Au 30 juin 2023, à la suite d’une décision malavisée du Conseil d’État, 2,6 millions de ménages devront renoncer au tarif réglementé du gaz et souscrire à une offre de marché. Le tarif réglementé cessera bien sûr d’être la référence concrète d’indexation de nombreuses offres de marché.

La clientèle des particuliers se retrouvera donc dans la situation que vivent depuis quelques années les copropriétés ou les petits professionnels tels que les boulangers qui voient les ravages de la crise de l’énergie sur leur facture.

Ce courrier, resté sans réponse à ce jour, soulevait deux arguments principaux :

1. Le tarif réglementé est le seul contrat qui assure une parfaite sécurité contractuelle

Il s’agit d’une qualité assez nouvelle des tarifs réglementés (en gaz et en électricité) qui s’est révélée pendant la crise. Les marchés de détail sont devenus toxiques au sens où sur les offres de marché les fournisseurs ont :

  • régulièrement procédé à des fortes hausses de prix dans des conditions souvent sauvages,
  • soudainement indexé leur tarif sur l’évolution des prix du marché de gros,
  • remis en cause des contrats à prix fixe.

Mobilisée sur le front de la police de marché, notre association considère qu’il est fort risqué de demander à 2,6 millions de ménages de choisir une offre dans un marché aussi toxique.

La désindexation du TRV de nombreuses offres de marché pourrait aussi révéler de fortes surprises. Sur ce point, il est très illusoire de considérer qu’un vague indice de référence publié sur le site du régulateur consistera à une référence d’indexation aussi solide que celle du tarif réglementé.

2. Le bouclier tarifaire est moins protecteur sans tarif réglementé

Les pouvoirs publics affirment que le bouclier tarifaire suffit à protéger les consommateurs particuliers. Le cas des copropriétés montre que cela est plutôt faux. L’attribution d’une subvention au fournisseur est reversée ensuite à la copropriété, mais il n’y a aucune régulation du tarif. Dans le contexte de 2022, où les offreurs ne voulaient pas de clients gaz, les copropriétés (à l’instar des boulangers) ont reçu peu d’offres, souvent à des tarifs délirants.

Nous risquons donc de sérieuses déconvenues si nous pensons pouvoir appliquer pleinement le bouclier tarifaire sans TRV.

Nous pouvons estimer sur le fond que la décision du Conseil d’État était infondée et désuète depuis la crise. Même en considérant le cadre juridique en l’état, un simple report de deux ans (par un amendement de la loi de novembre 2019) ne créerait pas de difficulté. En effet, depuis octobre 2021*, les instances communautaires autorisent les États membres à prendre des mesures exceptionnelles pour la protection des consommateurs (le bouclier tarifaire est issu de cette tolérance). Il ne pourra pas nous être reprochés de prolonger l’existence de ce tarif réglementé le temps que la crise passe.

La CLCV regrette que les courriers adressés sur ce sujet en mai 2022 à Élisabeth Borne et en septembre 2022 à Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique, soient sans réponse. Le gouvernement semble complètement fermé à tout dialogue sur le sujet, ce qui va à l’encontre de ses déclarations médiatiques affirmant vouloir protéger au mieux les Français.

*Communication de la Commission européenne : Lutte contre la hausse des prix de l’énergie : une panoplie d’instruments d’action et de soutien, page 9

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