Les fournisseurs alternatifs ne produisant pas d’énergie, leur viabilité économique dépend largement de l’accès au nucléaire d’EDF. Cet accès a été aménagé par la loi Nome et par un accord avec la Commission européenne à travers le dispositif appelé ARENH. Les fournisseurs déclarent une quantité d’Arenh qu’ils souhaitent avoir en fonction de leur volume de clients dans le but de leur proposer un tarif proche (plus ou moins cher) du tarif réglementé de vente de l’électricité.

Cet accès au nucléaire est plafonné et s’il ne représente pas 75 % de l’approvisionnement d’un fournisseur (comme pour EDF) la Commission de régulation de l’énergie a pour principe d’augmenter le tarif réglementé de vente de l’électricité afin de permettre aux fournisseurs alternatifs d’augmenter leurs prix tout en restant compétitifs. C’est le fameux principe du « pour faire vivre la concurrence on augmente le tarif réglementé ».

Contestable sur le fond, ce dispositif comprend aussi plusieurs failles. Dès le début de l’année, dans un communiqué et dans ses échanges avec les pouvoirs publics, la CLCV avait alerté sur le risque de faille spéculative Arenh. Nous reproduisons en annexe nos écrits de mars qui présentent les caractéristiques de cette faille spéculative.

Le contournement des règles Arenh par les fournisseurs d’énergie consiste à vouloir avoir beaucoup de clients entre avril et septembre car le contrôle des quantités Arenh se fait sur cette période. Par contre, entre octobre et avril ils ne veulent pas en avoir car ils perdent de l’argent. C’est pour cette raison que l’on a pu constater le démarchage de clients au printemps (avril) et constater que ces mêmes fournisseurs mettent leurs clients à la porte en août, directement ou indirectement, par le biais de fortes augmentations. On aboutit ainsi à un système ubuesque où des fournisseurs d’énergie veulent avoir réellement des clients uniquement 6 mois dans l’année.

En cas de sanction, la CRE n’indemnise aucun préjudice éventuel des consommateurs qui ont pu être privés par les fournisseurs d’une énergie au bas prix de l’Arenh. Cette question du préjudice de ces consommateurs est complexe en droit et dépend de la pratique exacte des fournisseurs. Il va de soi que la CLCV envisagera le cas échéant toute action qui viserait à réparer le préjudice de consommateurs lésés par l’abus d’Arenh.

Enfin et surtout, ces manipulations montrent que la demande globale d’Arenh pour l’année 2022 (160 TWH) a été surestimée par les fournisseurs alternatifs, parfois très volontairement, dans l’intention de frauder. Cette surestimation a induit une surestimation de l’écrêtement et donc de la hausse du tarif réglementé de vente de l’électricité. À partir des données de marché existantes nous pensons que cette surestimation peut être de l’ordre de 15 à 20 TWH. Lors des auditions du mois de janvier la CLCV avait prévenu la CRE de ce risque, et qu’elle demanderait au mois de janvier 2023 un rattrapage à la baisse du tarif réglementé de vente de l’électricité si cette surestimation était avérée. Les faits semblent désormais acquis.


Annexe

En mars 2022, la CLCV avait prévenu du risque  (https://www.clcv.org/communiques-de-presse/arenh-2022-explications-et-positions-de-la-clcv)

Les demandes de nucléaire « Arenh 2022 » = attention à la faille spéculative !

 Au mois de décembre, les opérateurs alternatifs et les grands industriels éligibles ont fait valoir leur demande de nucléaire pour l’année 2022 comme le permet la loi Nome. Cette demande de nucléaire dépend de leurs prévisions de leur part de marché et du volume de consommation d’énergie de leurs clients. Ils ont demandé 160 térawattheures (TWh) - contre 146 TWh en 2021 et 147 TWh en 2020 - soit 60 TWh de plus que le plafond initial de l'Arenh. Il y a donc 60 TWh qui sont « écrêtés » et qui, étant considérés comme un surcoût pour les opérateurs alternatifs, doivent induire une augmentation explosive du tarif réglementé de vente de l’électricité (TRV) au nom du principe « pour faire vivre la concurrence, on augmente le TRV ».

La CLCV pense que la demande de 160 TWh est surestimée, car elle signifierait que les alternatifs comptent vendre environ 10 % de plus d’énergie en 2022 relativement aux années précédentes, alors même que l’on assiste à des sorties du marché et à un retour (encore non quantifié, il est vrai) vers l’opérateur historique. 

Pour la CLCV, cette surestimation témoigne d’un risque grave de faille spéculative. En effet, un aspect curieux de la réglementation est que le droit à l’Arenh qu’obtient l’opérateur alternatif en décembre 2021 pour l’année 2022 peut être revendu sur le marché de gros au premier trimestre 2022. Quand les prix du marché de gros sont proches du prix régulé du nucléaire (42 euros le mégawattheure (MWh)) cela n’a pas de conséquence. Mais, dans le cas présent les opérateurs alternatifs et certains grands industriels vont pouvoir acheter un droit à l’énergie nucléaire à 42 euros le MWh et, selon les fluctuations récentes du marché, le revendre 4 à 10 fois plus cher !

Bien sûr ces opérateurs doivent virtuellement restituer cette énergie de droit en approvisionnement nucléaire (Arenh) à un tarif de 42 euros le MWh (c’est le but : restituer la rente nucléaire au client). Mais, on voit donc très précisément l’intérêt d’un opérateur à surestimer sa demande d’Arenh. En effet, si elle est surestimée par exemple de 20 %, cela signifie que ces 20 % pourront être revendus au prix de gros du 1er trimestre, soit 4 à 10 fois plus chers, avec une plus-value astronomique à la clé. Bien sûr un tel comportement poserait de grandes difficultés :

1. Si beaucoup d’acteurs surestiment leur demande d’Arenh, cela signifie que le droit en approvisionnement nucléaire (Arenh) est trop élevé et donc que (par le jeu de l’écrêtement) la hausse du tarif réglementé est trop importante, et les usagers du tarif réglementé sont surfacturés par le simple fait d’un comportement spéculatif.

2. Cela fausse le jeu concurrentiel car des opérateurs peuvent se servir de leur plus-value pour proposer de gros discounts. Ce fait ne paraît pas problématique pour le consommateur (encore que ce type de discount n’est probablement pas tenable et peut occasionner de mauvaises pratiques contractuelles par la suite) mais il installe une concurrence déloyale entre les acteurs.

3. L’ouverture du marché a déjà beaucoup de fondements virtuels et spéculatifs. On atteindrait ici un sommet fort malsain.

Il s’avère que la Commission de régulation de l’énergie (CRE) a très bien identifié ce risque de surestimation de son droit Arenh à des fins spéculatives qu’elle présente avec précision et franchise dans sa délibération du 8 novembre 2021. Elle installe un cadre de contrôle et de sanction qui doit normalement parer à ce risque. La seule chose est que ce cadre n’a été que très rarement utilisé et qu’il est assez complexe.

La CLCV demande que ce régime de contrôle et de sanction soit dûment appliqué et que le CRE produise un bilan étayé de cette demande Arenh en 2022 (était-elle ou non surestimée ?). S’il y a eu surestimation, il doit alors intervenir un rattrapage tarifaire à la baisse du TRV

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