Aggravation des pannes
L’ascenseur est le symbole du bon fonctionnement d’une résidence et de la satisfaction des occupants. En cas de panne, l’ensemble des habitants en subit les conséquences, et celle-ci est indicative d’un manque d’entretien et de financement, tant dans le logement social que privé. Pour de nombreux ménages handicapés ou âgés, une panne est la différence entre une vie normale et l’isolement. Or 1,5 million de pannes sont recensées chaque année en France, dont certaines atteignent voire dépassent les 10 mois successifs. Ces pannes sont principalement dues à la vétusté des équipements (plus de 40 % des cas). Les ascenseurs ont une durée de vie estimée de 20 ans, et cette vétusté augmentera dans les années à venir alors que l’usage est appelé à augmenter. En effet, 30 % des Français auront plus de 60 ans d’ici 10 ans (40 % en logement social), et 77 % d’entre eux privilégient le maintien à domicile. L’ascenseur deviendra alors encore plus important dans la vie de tous les jours, y compris dans des petits immeubles, alors que les risques de pannes sont de plus en plus élevés. Or cette fragilité à la vétusté est aussi due à une stratégie de réduction des coûts de la part des groupes d’ascensoristes. Les stocks de pièces sont réduits au strict minimum, et souvent nécessitent une commande spécifique prenant plusieurs semaines voire mois. Le manque de technicien (selon les régions, moins d’un technicien pour entretenir 180 cabines).
Pendant ce temps, les locataires ou copropriétaires continuent de payer des charges pour un ascenseur qui ne fonctionne pas. Certes les habitants peuvent se retourner contre leur bailleur social ou leur syndic, et ultérieurement contre l'entreprise en charge de l’entretien, mais la procédure judiciaire est souvent longue et coûteuse. Face à cette situation, la proposition de loi déposée par le député Philippe Brun veut répondre à une partie du problème : l’information et le délai de réparation.
Pénalités importantes en cas de manquement
Le texte en discussion au Parlement imposerait aux bailleurs sociaux et syndics de copropriété d’informer la société en charge de l’entretien, ainsi que les occupants de l’immeuble, de la panne et/ou du danger que représente l’ascenseur concerné sous 2 jours ouvrés. Les ascensoristes devront eux intervenir sous 2 jours ouvrés, et régler le sinistre sous 8 jours ouvrés, sauf motif impérieux. À défaut de résolution dans le premier délai de 2 jours, l’ascensoriste devra mettre en œuvre les différentes mesures d’accompagnement des ménages concernés, notamment le portage des courses alimentaires ou le transport des personnes pour l’accès aux soins. Ainsi, les ascensoristes se substitueraient à une tâche réalisée souvent par les bailleurs sociaux. À défaut, les collectivités locales assureraient ce service, et se rembourseraient auprès des ascensoristes.
Pour que ces obligations soient efficaces, la proposition de loi imposerait la constitution d’un stock minimal de pièces de rechange, sous peine de sanctions financières. Ce stock doit correspondre au besoin de renouvellement de l’ensemble des pièces d’un ascenseur pour les 2 à 6 prochains mois de l’année en cours, pour l’ensemble du parc dont l’ascensoriste à la gestion. La liste des pièces et l’usure attendues seront fixées par décret. Elles doivent être disponibles au moins 30 ans après l’installation de l’ascenseur, afin de couvrir les futurs risques de vétusté. En cas de non-respect des délais d’intervention, l’ascensoriste subirait une pénalité de 100 euros par jour de retard, portée à 300 euros par jour après une semaine, et 700 euros par jour après deux semaines.
Si l’ascensoriste ne disposait pas du stock prévu, une amende pénale pouvant atteindre 1 % à 3 % du chiffre d’affaires mondial de la société serait possible en cas de procès. L’administration pourrait également infliger une amende de 300 000 euros en cas de constatation. Cette amende pourrait atteindre 1,5 million d’euros en cas de récidive.
Si la panne n’est pas résorbée, le locataire percevrait une indemnité sur le mois de la panne, financé par une pénalité contractuelle d’au moins 10 euros par jour. Enfin, en cas d’accident d’ascenseur, les possibilités d’indemnisation des victimes seraient augmentées.
La proposition de loi est désormais entre les mains du Sénat. Nous suivons attentivement son évolution, même si certaines des mesures annoncées telles que les amendes selon le chiffre d’affaires mondial ont peu de chance d’être adoptées.
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