La mobilité bancaire, un enjeu de pouvoir d’achat
Bien que les consommateurs ont intérêt à faire jouer la concurrence entre les banques pour réaliser des économies sur les frais payés (jusqu’à 180 € d’économies annuelles), on constate que la mobilité bancaire plafonne à 2,5 % par an. Il faut dire que les banques font tout pour réduire la comparabilité de leurs offres, afin de préserver les montants considérables qu’ils prélèvent aux consommateurs (25 milliards d’euros en 2018).
Pour preuve, en 2021 les brochures tarifaires des banques comportent en moyenne 390 tarifs s’égrenant sur 27 pages1. Dans cette nébuleuse quasi généralisée, certaines banques noient complètement les consommateurs sous le poids des informations : la brochure tarifaire imposée par la Société Générale est ainsi un millefeuille de 55 pages, et celle de la Caisse d’épargne Grand Est Europe affiche pas moins de 612 tarifs !
BNP Paribas, Société Générale, Boursorama… : les moutons noirs de la lisibilité
Pour faciliter la comparaison entre les offres, et sous la pression des associations de consommateurs, les banques s’étaient pourtant engagées en 2010 à publier en première page de leur brochure un extrait standard des tarifs (EST) regroupant les prix des services les plus courants (tenue de compte, cotisation carte bancaire, etc.).
Il est déplorable que cette avancée soit en voie de disparition, comme le montre le rapport du Comité consultatif du secteur financier sur les tarifs bancaires 2021. En effet, un consommateur sur cinq2 n’a plus accès à l’EST depuis que Boursorama et Hello Bank ! se sont jointes aux établissements rétrogrades qui l’avaient déjà supprimé de leur brochure l’an dernier (notamment BNP Paribas, Société Générale, Crédit du Nord, ING Direct).
Les banques ne sauraient justifier cette reculade par la mise en œuvre du document d’information tarifaire imaginé par l’Europe (DIT). Censé favoriser la concurrence en résumant succinctement le coût annuel global d’un compte bancaire, il est dévoyé dans son objectif de clarté. N’étant pas assez standardisé dans sa présentation, il affiche des packages incomparables (entrée de gamme chez LCL, milieu de gamme au Crédit mutuel, etc.). Pire, les caisses régionales du Crédit Agricole n’y incluent pas, par exemple, le coût de la cotisation carte bancaire.
Le Gouvernement, une nouvelle fois victime du mirage de l’autorégulation
Alors qu’on attendrait du Gouvernement qu’il tire les conséquences de ce camouflet en assurant, par la loi, les conditions d’une saine concurrence sur le secteur bancaire, sa complaisance vis-à-vis des professionnels est incompréhensible. Au printemps 2020, il a ainsi pesé de tout son poids pour que soient rejetés des amendements parlementaires visant à restaurer la lisibilité des brochures tarifaires en annonçant au Sénat la tenue de travaux… qui n’ont toujours pas vu le jour3 !
Plus grave encore, comme pour le plafonnement des frais d’incidents, il persiste à croire à l’autorégulation pour assurer la pérennité des droits des consommateurs. C’est oublier que, reposant sur des « bonnes pratiques » fixées par les professionnels eux-mêmes, elles ne peuvent pas être invoquées par les consommateurs dans leurs litiges. Qui plus est, elles peuvent être librement amendées par les professionnels.
Soucieuses de garantir aux consommateurs une information pertinente, l’AFOC, la CLCV, l’UNAF, Familles Rurales et l’UFC-Que Choisir appellent les pouvoirs publics à instaurer par la loi :
- La lisibilité des brochures, notamment par le maintien de l’extrait standard des tarifs en première page et l’expression des prix en base annuelle ;
- La clarté des documents d’information tarifaire en imposant que n’y figure qu’un seul package qui soit comparable entre les banques.
Notes
(1) Moyenne réalisée à partir de l’étude des brochures des 21 établissements représentatifs selon le Rapport annuel de l’Observatoire des tarifs bancaires 2020, CCSF.
(2) Estimation à partir des parts de marché estimée par banque in Les Conditions d’accès aux services financiers des ménages vivant sous le seuil de pauvreté, CCSF, 2020. NB : la question s’adressait à tous les consommateurs.
(3) « Il y a probablement encore des progrès à faire [en matière de lisibilité des tarifs]. C’est une démarche de Place qui doit être poursuivie […] Je m’engage à ce qu’on repose cette question ». Intervention d’A. Pannier-Runacher, à l’époque Secrétaire d’Etat auprès du Ministre de l’Economie et des Finances, le 28 mai 2020 au Sénat.
Communiqué de presse du 17 février 2021
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