A l’heure où les agences de l’eau mènent une grande consultation nationale sur les actions à mener pour l’eau, les risques d’inondation et le milieu marin, le rapport annuel de la Cour des comptes vient jeter un pavé dans la mare. Rendu public le 11 février 2015, il critique vertement la gestion de ces six établissements qui collectent et redistribuent les redevances eau pour la préservation de la ressource et la protection des milieux aquatiques.
Les pollueurs ne sont pas les payeurs
Premier reproche : les pollueurs ne sont pas les payeurs. « Les redevances perçues par les agences se sont éloignées du principe pollueur-payeur depuis 2007 », regrette la Cour. Entre 2007 et 2013, elles ont progressé de 24 % pour atteindre en moyenne annuelle environ 2,2 milliards d’euros.
Mais tous les usagers ne sont pas logés à la même enseigne : les particuliers – qui ont vu leur facture d’eau augmenter de 25 % pendant cette période – ont acquitté 87 % du montant total des redevances en 2013, tandis que la part de l’industrie (en baisse de 15 %) est descendue à 7 %, celle des agriculteurs représentant 6 %. Ces chiffres sont des moyennes et la situation varie fortement selon les agences et donc, selon les bassins. La proportion des redevances payées par les usagers domestiques est particulièrement importante en Seine-Normandie (92 %), dans les bassins Rhône-Méditerranée et Corse (88 %) et dans le bassin Rhin-Meuse (86 %).
« Alors que le bassin Loire-Bretagne est le plus concerné par la pollution due aux nitrates, les redevances à la charge des agriculteurs ne représentent en 2013 que 10 % du montant total des redevances, dont 0.6 % seulement au titre de l’élevage », rappelle les magistrats de la Cour. Et en plus, entre 2007 et 2013, cette contribution-là a chuté de 84 % dans les bassins Rhône-Méditerranée et Corse, et de 58 % dans le bassin Loire-Bretagne. « Elle n’était que de 3 millions d’euros en 2013 pour toutes les agences alors que le seul coût du nettoyage des algues vertes sur le littoral est estimé au minimum à 30 millions d’euros par an », précise le rapport.
Côté industrie, dans le bassin Rhin-Meuse, historiquement marqué par les pollutions industrielles, la contribution des entreprises n’était plus que de 11 % en 2013, contre 22 % six ans plus tôt.
Un flot de critiques
La Cour dénonce aussi « la transparence insuffisante » dans l’attribution des aides, des contrôles trop rare, des prêts accordés aux pollueurs, des soutiens financiers à des actions « qui n’ont qu’un lien assez éloigné avec les priorités de la politique de l’eau », « des aides aux industries parfois attribuées sans garantie suffisante », et aussi des dépenses de communication et de coopération internationale peu justifiées. Une organisation source de nombreux conflits d’intérêts.
Le rapport pointe enfin des problèmes de représentativité. Faiblement contributeurs, les usagers professionnels (agriculteurs et industriels) sont pourtant surreprésentés dans les instances de décision. Selon les agences de l’eau, ils représentent de 55 % à 73 % des membres des conseils d’administration, les consommateurs de 9 % à 17 %.
La position de la CLCV
La CLCV plaide pour une pleine application du principe pollueur payeur. Les ménages étant surtaxés, nous demandons un gel strict de la redevance payée par les usagers domestiques et nos représentants au sein de ces agences sont engagés pour refuser toute hausse. Il faut aussi que les budgets des agences soient moins utilisés pour des mesures curatives afin de plus servir à la prévention de la pollution (changement des pratiques agricoles, par exemple).
Consultation publique
De nouveaux plans de gestion portant sur l’eau, les risques d’inondation et le milieu marin, en cours d’élaboration, sont soumis à l’avis du public avant leur adoption fin 2015. Jusqu’au 18 juin 2015, vous pouvez participer à cette consultation sur http://www.lesagencesdeleau.fr/les-agences-de-leau/la-consultation-du-public-20142015/