La marge de raffinage sur l’essence ou le gazole oscillait entre deux et trois centimes au litre dans les années 1990 et début 2000. La baisse des capacités de raffinage a fini par générer une tension quantitative qui a rendu la marge à la fois volatile et haussière. Le phénomène reste assez circonscrit sur l’essence, même si la marge se porte à plus de 4 centimes depuis deux ans.
Il est tout à fait important pour le gazole : après avoir connu une surchauffe historique à 13 centimes, cette marge reste a plus de 6 centimes en 2010-2011. A noter la forte hausse en 2011 puisqu’elle atteint 9,3 cts le litre en octobre 2011. Sur ce point, le sous-investissement des groupes pétroliers dans le raffinage en Europe est largement responsable de cette tension sur la marge qui, en cas de reprise économique, pourrait revenir aux sommets constatés en 2008.
On constate que la marge de distribution connait une hausse structurelle pour tous les produits pétroliers.
Si on compare la moyenne triennale de la période 2001-2003 à celle de la période 2008-2010, la marge sur l’essence passe de 7 à 9,6 centimes, la marge sur le gazole passe de 6,3 à 8,6 centimes et la marge sur le fioul domestique passe de 7,3 à 11 centimes.
Ces augmentations, de l’ordre d’un tiers sur sept années, sont plus de deux fois supérieures à l’inflation générale. La tendance haussière se confirme en 2011. Si des facteurs techniques (normes environnementales, incorporation des biocarburants) pourraient en partie expliquer ces hausses, elles doivent être chiffrées par les distributeurs.
Un autre facteur, qui interroge le droit de la concurrence, porte sur les conséquences de la diminution du nombre de station services : la densité du réseau s’étant divisé par plus de trois en trente ans il est possible que des positions dominantes se soient créées localement sur des zones de chalandises. La concentration ancienne de la distribution de fioul domestique explique aussi un niveau de marge plus élevé que la moyenne.
Raffinage + distribution = la ponction des marges aval est de plus en plus significative
Si on additionne les deux marges avals, on constate qu’elles représentent une ponction de plus en plus importante. Ainsi, pour le gazole, la somme des marges avals a quasiment doublé entre 2001-2003 et 2010- 2011.
Evolution de la marge aval globale (raffinage + distribution)
Centime par litre |
Moyenne 2012 |
Moyenne 2011 |
2010 |
Moyenne 2004-2007 |
Moyenne 2001-2003 |
essence |
14.5 |
14,31 |
14,4 |
10,4 |
9,6 |
gazole |
20.1 |
17.48 |
15,6 |
11,9 |
8,9 |
- La transmission cours baril – prix à la pompe dépend des fluctuations des marges avals
Le cours du baril de brut connaissant des variations très marquées, parfois brutales, on s’interroge souvent sur la propension des groupes pétroliers a répercuter justement ces variations sur le prix final du produit. A ce jour, les experts et éléments à disposition tendent à montrer que le défaut de transmission ne porte pas sur l’intégration en soi du cours du brut. Le défaut de transmission, quand il a lieu, peut provenir justement de l’évolution des marges avals : une baisse du cours du brut n’apparaît pas complétement répercutée sur le prix final tout simplement parce que, sur cette période, les marges avals ont augmenté. La période récente permet d’illustrer l’idée. En avril 2011, le cours du brut en euro a atteint un record annuel à 85,4 euros puis est revenu à 76,6 euros en août. Par voie de conséquence, le prix des trois produits pétroliers aurait donc dû baisser de 5,5 cts au litre. Au niveau du prix final, il apparait que la transmission est proche pour le diesel et le fioul (il manque un gros centime) mais reste significativement insuffisante pour l’essence (il manque près 2,3 centimes soit la moitié de la baisse attendue).
Dans le cas de l’essence, l’écart pourrait s’expliquer par la très nette hausse de la marge de distribution (+ 3,2 cts). Dans ces cas du gazole et du fioul, l’écart, plus réduit, pourrait provenir de la légère augmentation de la marge de raffinage.
Le prix du baril de brut représente une large part du prix hors taxe ce qui minore trop souvent l’intérêt présenté par les marges avals. Celui-ci résulte de l’interaction entre une demande et une offre mondiale, de la croissance économique et des perspectives sur le long terme de l’exploration production. Il est ainsi difficile, si ce n’est impossible, tant pour un régulateur public que pour les professionnels, d’influer sur le cours du brut. Les groupes pétroliers jouent sur cette « fatalité » pour se dégager de toute responsabilité dans l’évolution des prix.
Les activités avals, par contre, sont des activités industrielles et commerciales où les choix des professionnels, et les décisions du régulateur public, ont un impact sur ce prix. Les consommateurs peuvent donc, à minima, attendre que les marges avals viennent relativiser la hausse structurelle et volatile du cours du baril. Or, depuis 5-8 ans, on n’assiste plutôt à la situation inverse : les marges avals augmentent à un rythme élevé et injustifié, elle n’évolue pas de façon favorable quand le baril connaît des pics et tendent donc à amplifier le choc pétrolier. Dans la mesure où les professionnels et les pouvoirs publics disposent ici de marges de manœuvres ils devraient les utiliser.
Concernant les marges de distribution, les professionnels doivent s’expliquer sur leur hausse structurelle et envisager une baisse. A tout le moins, ils pourraient s’engager à restreindre cette marge quand le prix du baril est élevé (au-delà de 100 dollars par exemple). Les autorités de la concurrence pourraient également étudier si la diminution du nombre de stations-services n’a pas créé des positions dominantes sur certaines zones de chalandise. Le marché du fioul, historiquement plus concentré, mériterait aussi l’attention des autorités de la concurrence.
Le raffinage fait pour sa part face à un problème industriel : la diminution des capacités a créé, notamment pour le gazole, un marché volatile et structurellement haussier. Le comportement des pétroliers, qui préfère s’orienter vers d’autres activités et marchés tout en constatant que cette tension renforce leur rentabilité, va profondément à l’encontre de l’intérêt des consommateurs. Les groupes pétroliers doivent envisager d’investir sur ce segment en Europe. A défaut, les pouvoirs publics ont le choix parmi plusieurs types de mesures : des incitations fiscales (de type bonus-malus) incitant à l’investissement, la constitution de stocks communautaires de produits raffinés pour réguler l’équilibre quantitatif et le prix du marché (à l’instar de ce qui peut exister sur certains produits agricoles).
A titre de mesure plus exceptionnelle, l’encadrement ponctuel des prix pourrait être décidé en période où le cours du baril et les marges avals sont élevés. L’encadrement pourrait ainsi porter sur les seules marges avals en considérant que l’encadrement du prix du baril serait une mesure artificielle si ce n’est irréalisable. A titre d’exemple, la somme des marges avals sur le gazole serait ponctuellement plafonnée à 12 centimes au litre.
Enfin, concernant les taxes qui représentent entre 50% et 60% du prix final respectivement pour le gazole et l’essence pourraient voir leur montant modulé pour plafonner le prix des carburant qui rappelons-le est une dépense contrainte pour beaucoup de consommateurs
DGEC : Direction Générale de l’Énergie et du Climat
UFIP : Union Française des Industries Pétrolières
Pour l'historique sur dix ans des marges de raffinage : EIA et USDOE