Madame la Première ministre,

Il relève des prérogatives régaliennes de l’État, des vôtres, d’assurer à chacun l’accès à une alimentation lui permettant de répondre à ses besoins. Si les objectifs affichés par plusieurs de vos ministres de « contenir l’inflation alimentaire » ont pu nous rassurer, les moyens proposés pour y parvenir ne peuvent qu’interroger voire générer une certaine forme de stupéfaction.

En effet, alors que les prix des produits alimentaires ont atteint, dès 2022, d’affolants sommets, la récente clôture des négociations commerciales entre les distributeurs et l’industrie agroalimentaire ouvre malheureusement la voie à une nouvelle explosion des prix au cours des prochaines semaines. Cette perspective est d’autant plus alarmante que les conséquences de l’inflation alimentaire sont déjà très concrètes et inquiétantes, comme l’illustre le recours de plus en plus important aux banques alimentaires, véritable marqueur de la paupérisation de nos concitoyens.

Si ces constats imposaient une action résolue de votre Gouvernement pour apporter des réponses immédiates, durables et fortes à la flambée des prix alimentaires, force est de constater qu’hormis l’annonce d’un prochain chèque alimentaire – présenté à titre  expérimental et localisé – pour les plus modestes, les solutions que votre gouvernement propose pour juguler les prix paraissent au mieux sans réelle incidence, et pourraient même éloigner les consommateurs d’une alimentation saine au profit de produits ultra-transformés.

Dans la lignée des propos tenus par le Président de la République lors de l’ouverture du salon de l’agriculture appelant les distributeurs à « faire un effort sur leurs marges », votre Gouvernement se contente aujourd’hui de s’en remettre à la bonne volonté de la grande distribution pour qu’elle limite ses marges (ou prétende le faire à travers des opérations purement marketing).

Au-delà de déprécier la puissance publique, nous ne pouvons que souligner que cette approche consistant à quêter auprès des grandes surfaces une modération des prix dans le cadre d’un « trimestre anti-inflation » n’aboutira en aucun cas à ce que les étiquettes affichent les prix les plus compétitifs possibles si le dispositif obligeant depuis 2019 les distributeurs à réaliser une marge d’au moins 10 % sur la vente des produits alimentaires devait être maintenu.

Jusqu’à présent, votre Gouvernement s’est constamment opposé à la suppression de cette mesure inflationniste, et tout simplement contre-productive dans le contexte actuel. Ce refus a principalement été motivé par l’argument selon lequel la fin du relèvement du seuil de revente à perte diminuerait le revenu de nos agriculteurs. Il s’agit pourtant d’un argument purement fallacieux puisqu’il existe un cadre législatif autonome imposant que les négociations commerciales entre les industriels et les distributeurs d’un côté, et les agriculteurs de l’autre, garantissent à ces derniers une juste rémunération, ce en quoi nous souscrivons.

En tout état de cause, il serait contradictoire, pour ne pas dire trompeur, de prétendre agir pour comprimer au maximum les prix tout en maintenant une règle empêchant légalement la vente à prix coûtant des produits alimentaires.

Si vous souhaitez réellement faire de la maîtrise des prix alimentaires une priorité, la cohérence vous impose donc de mettre en place la seule mesure permettant une réduction rapide et tangible des prix : la suspension immédiate du relèvement du seuil de revente à perte.

Comptant sur votre détermination à réellement lutter contre l’inflation alimentaire, nous vous prions d’agréer, Madame la Première ministre, l’expression de notre plus haute considération.

Liste des signataires :

  • Alain BAZOT, Président de l’UFC-Que Choisir
  • Guylaine BROHAN, Présidente de Familles rurales
  • Jean-Yves MANO, Président de la CLCV


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