La résiliation à tout moment ne doit pas être repoussée
Les complémentaires santé prennent en charge tout ou partie des dépenses de soins et de biens médicaux des assurés en supplément des remboursements de la Sécurité sociale. Pourtant, la flambée des cotisations (700 euros en moyenne en 2020, + 50 % depuis 2006) et la qualité très inégale des garanties contribuent aux renoncements aux soins, dont l’ampleur est alarmante [1]. Cette inflation galopante rend d’autant plus indispensable l’entrée en vigueur de la résiliation à tout moment des complémentaires, adoptée par le Parlement en juillet 2019. Prévue au plus tard pour le 1er décembre prochain, cette avancée pourrait être remise en cause par le lobbying des fédérations de complémentaires santé. Prenant prétexte de la crise sanitaire, les professionnels tentent en effet d’ajourner cette mesure exigée pourtant par le Président de la République, ce qui serait inacceptable pour les consommateurs et les familles.
Dans un secteur coûteux et conflictuel (les litiges portant sur le montant des indemnisations des complémentaires santé représentent, à eux seuls, près d’un tiers des réclamations de l’ensemble du secteur de l’assurance [2]), les assurés doivent enfin pouvoir changer de contrat quand ils en ont besoin !
Engagements sur la lisibilité de 2019 : des avancées périphériques face à l’obscurité des brochures
Ces difficultés sont renforcées par les carences récurrentes de lisibilité des contrats. Sous la pression, l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire (UNOCAM) a promis, une nouvelle fois, de faciliter leur lecture en 2019 [3]. Un an plus tard, si la profession s’est autocongratulée, dans un bilan dont elle était juge et partie, l’étude des garanties des dix-sept principaux organismes santé [4] livre pourtant un constat beaucoup plus réservé.
L’harmonisation d’une quinzaine de libellés des tableaux de garantie constitue une avancée bien modeste pour favoriser la comparaison. Elle laisse libre court à des tableaux dont l’ordre est chaotique et qui sont constitués d’une litanie de rubriques et sous-rubriques, subdivisée en colonnes correspondant à des « formules ». En conséquence, l’assuré fait face à une jungle de références : on en compte en moyenne 180 et pas moins de 505 chez Generali France.
De même, la promesse de diffuser une liste d’exemples de remboursements est un trompe-l’œil tant sa mise en œuvre est imparfaite. Alors que la logique voudrait que les exemples soient adossés au tableau de garanties, ce n’est le cas que pour trois des organismes étudiés. Pire, même sur internet, cette liste est restée incomplète ou introuvable sur les sites de près de la moitié des principaux organismes.
La persistance des mauvaises pratiques appelle une réforme ambitieuse
Au vu des échecs répétés des engagements professionnels, nos associations appellent les pouvoirs publics à créer les conditions d’une concurrence salutaire sur le secteur des complémentaires santé.
Avant tout, les pratiques nocives doivent cesser. En effet, parmi dix-sept des principaux organismes de complémentaires, quatorze persistent à ne pas distinguer leurs remboursements de ceux de la Sécurité sociale. De même, douze d’entre eux n’expriment pas leurs indemnisations sur l’optique, le dentaire et les audioprothèses en euros, mais avec des pourcentages supérieurs à 100 % (jusqu’à 150 %, 200 % voire 400 %).
Constatant que l’indulgence a laissé prospérer des contrats incomplets (liste des exemples de remboursement absente, libellés non concordants), les pouvoirs publics doivent imposer une présentation harmonisée de leurs brochures, comme l’ont fait les banques depuis 2010.
Enfin, pour garantir la pérennité des droits des consommateurs, à défaut d’un texte réglementaire du Gouvernement, les travaux du CCSF doivent aboutir à des normes professionnelles dont la bonne application devra être contrôlée et, le cas échéant, sanctionnée par le régulateur (ACPR).
Déterminées à remettre le secteur des complémentaires santé au service des assurés, les associations, la CLCV, Familles Rurales, UFC-Que Choisir et l’UNAF, constatant la carence des pouvoirs publics et les échecs successifs des engagements professionnels, demandent au Gouvernement l’entrée en vigueur au plus tard au 1er décembre prochain de la résiliation à tout moment, et l’encadrement par la réglementation de la lisibilité et de la comparabilité des offres d’assurance complémentaire.
Dans cette attente, l’adoption rapide d’un avis du Comité consultatif du secteur financier (CCSF) doit permettre, par l’élaboration de normes professionnelles visées par l’ACPR :
La normalisation de la présentation des contrats de complémentaire santé, par la mise en œuvre d’un sommaire-type commun à toute la profession ;
La distinction systématique des remboursements selon qu’ils proviennent de la Sécurité sociale ou de l’organisme complémentaire ;
La généralisation de la présentation des remboursements en euros lorsque cela est possible, notamment pour l’optique, le dentaire, les soins auditifs ;
L’accès aux contrats et tarifs des complémentaires santé sans avoir à renseigner des informations personnelles (numéro de téléphone, courriel, etc.).
Crédit photo : Gerd Altmann de Pixabay
[1] 25 % des usagers ont renoncé au moins une fois aux soins sur un an in EHIS-ESPS 2014, Drees-Irdes, octobre 2017.
[2] Conférence de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), 23 novembre 2018.
[3] Engagement pour la lisibilité des garanties de complémentaire santé, UNOCAM, 2019.
[4] Relevé réalisé sur les sites de Groupe Vyv, Malakoff Humanis, Axa France, Groupama, Aésio, AG2R La Mondiale, Covéa, Groupe Pro BTP, Generali France, Swiss Life, Groupe Macif, La Mutuelle Générale, Klesia, Uneo, MNH, Groupe Mutualia, Mutuelle générale des cheminots qui totalisent 26 milliards d’euros de cotisation, soit environ 70 % du marché.