La loi ALUR de 2014 a institué un « fonds travaux » devant être mis en place au 1er janvier 2017. Il s’agit, en quelque sorte, pour les copropriétaires, de constituer une épargne afin de faire face à des travaux importants et imprévus. Il facilite ainsi le financement d’opérations coûteuses.
Soutenu par les principaux acteurs de la copropriété, tant les pouvoirs publics que les professionnels ou les associations, la création du fonds travaux obligatoire n’allait pas forcément de soi, d’aucuns estimant qu’il s’agissant ni plus ni moins d’une épargne forcée contraire aux libertés fondamentales et, de fait, inconstitutionnelle.
Le rapport élaboré par Dominique Braye, alors président de l’ANAH, sur la prévention des difficultés des copropriétés comporte, parmi ses propositions, la mise en place de ce fonds, mesure qui a été reprise par le législateur dans le cadre de la loi ALUR.
Description du dispositif
A compter du 1er janvier 2017, le syndicat devra constituer un fonds travaux alimenté par une cotisation dont le taux est voté en assemblée générale mais ne peut être inférieur à 5 % du budget prévisionnel. Cette cotisation est appelée dans les mêmes conditions que les provisions du budget prévisionnel, c’est-à-dire tous les trimestres, sauf si une périodicité différente a été décidée.
Cette mesure concerne toutes les copropriétés à destination totale ou partielle d’habitation. Pour les immeubles neufs, le fonds travaux n’a pas à être mis en place immédiatement mais dans les 5 années qui suivent la réception des travaux.
Enfin, dans les petites copropriétés de moins de 10 lots, il est possible de ne pas constituer de fonds travaux par une décision à l’unanimité de l’assemblée générale.
Attention ! Le nombre de lots est à prendre au sens large : sont comptabilisés non seulement les logements et locaux commerciaux, mais également les caves et places de stationnement. Notez que la majorité nécessaire concerne l’unanimité de l’assemblée générale et non du syndicat. Il faut donc que l’ensemble des copropriétaires présents et représentés soit d’accord pour ne pas mettre en place le fonds travaux. L’absence d’un copropriétaire n’aura donc ici aucun impact sur la décision.
Lorsque le montant du fonds travaux est supérieur à celui du budget prévisionnel, le syndic doit inscrire à l’ordre du jour de l’assemblée générale deux questions :
- l’une concernant l’élaboration d’un plan pluriannuel de travaux ;
- l’autre la suspension des cotisations au fonds travaux.
Il n’y a aucune obligation, pour l’assemblée générale, de voter un plan pluriannuel de travaux ou de cesser d’alimenter le fonds.
En cas de vente : les cotisations issues du fonds travaux sont attachées au lot et non à la personne. Elles ne sont donc pas remboursées en cas de vente. Cette mesure est logique : il s’agit en quelque sorte d’un amortissement, le copropriétaire ayant utilisé les équipements de l’immeuble. Mais rien n’interdit d’inclure le montant des cotisations dans le prix de vente, ou d’en faire un argument commercial puisque cela indique que la copropriété a déjà préfinancé une partie d’importants travaux.
L’objet du fonds travaux
Le fonds travaux est là pour faire face aux dépenses résultant :
- des travaux obligatoires (sécurisation des ascenseurs, ravalement…)
- des travaux décidés par l’assemblée générale et non compris dans le budget prévisionnel (ne sont donc pas compris les menues réparations et les simples travaux de maintenance). Sont ainsi visés les gros travaux d’entretien (ravalement), de conservation (réfection de la toiture) ou d’amélioration, de transformation (création de places de stationnement, de nouveaux locaux…).
Les dépenses courantes ne sont pas concernées, ces dernières étant comprises dans le budget prévisionnel.
En fait, le fonds travaux remplace les fameuses « provisions spéciales », celles dites « de l’article 18 » et que le syndic devait soumettre au vote tous les 3 ans en vue de faire face aux travaux d’entretien ou de conservation des parties communes et des éléments d’équipement commun, susceptibles d’être nécessaires dans les 3 années à échoir et non encore décidés par l’assemblée générale. Il s’agit précisément de la même chose, à ceci près que ces provisions étaient facultatives. Et malheureusement, rares étaient les copropriétaires qui les mettaient en place… Pensez-donc, pourquoi mettre de de l’argent de côté pour des travaux que l’on ne connaît pas encore ? Et si la chaudière accuse ses 15 ans d’âge, rien ne l’empêche de tenir encore quelques années, le temps de remettre cette question à plus tard. Et c’est sans compter les copropriétaires qui préfèrent constituer eux-mêmes leur épargne plutôt que de le faire dans le cadre de la copropriété. Sauf que, le moment venu, rien n’a été préparé. C’est précisément pour mettre fin à cette situation que le législateur est passé d’un système d’épargne facultative à un autre, obligatoire.
L’intérêt du fonds travaux dans la prévention des copropriétés en difficulté
La principale cause d’impayés dans une copropriété a sa source dans le vote et la réalisation de travaux. Soit les copropriétaires doivent faire face à une situation d’urgence (défaillance subite de la chaudière nécessitant son remplacement), soit ils réalisent d’importants travaux (ravalement…), sans que la question de leur financement n’ait été abordée.
Dans tous les cas, des copropriétaires seront en difficultés financières, surtout les primo-accédants qui viennent tout juste d’acquérir leur logement et dont le taux d’effort est assez important, ne leur laissant que peu de marge de manœuvre. Cela risque donc de se traduire par des impayés, lesquels seront, du moins un moment, supportés par les autres copropriétaires, accroissant ainsi leurs charges, au risque de les mettre également en difficulté… Un cercle vicieux peut alors se mettre en place. En fait, une copropriété est bien souvent en difficulté en raison d’une multitude de difficultés individuelles, lesquelles ont finalement une répercussion sur la collectivité.
C’est précisément pour éviter cela que le fonds travaux existe. Grace à cette épargne, les copropriétaires disposeront d’une trésorerie leur permettant de mieux appréhender la réalisation de travaux coûteux tout en évitant de faire peser, sur une période relativement courte, des sommes trop importantes sur les copropriétaires.
De la bonne utilisation du fonds travaux
Prendre le fonds travaux comme une simple mesure administrative est la pire des choses. Au contraire, il faut le considérer comme ce qu’il est : un outil au financement de travaux et à la gestion prévisionnelle.
Le taux de 5 % de la cotisation alimentant ce fonds est un minimum : il appartient aux copropriétaires de s’assurer qu’il est adapté aux caractéristiques de la copropriété. Pour un petit immeuble, il sera clairement insuffisant si des travaux de réfection de la toiture ou de ravalement doivent être réalisés. Il ne faut donc pas hésiter à le majorer si cela s’avère nécessaire.
La mise en place du fonds travaux doit aller de pair avec une étude de l’immeuble et des travaux qui sont susceptibles d’être réalisés à plus ou moins brève échéance, soit en raison de leur périodicité (le cas typique du ravalement), soit au regard du vieillissement de l’immeuble ou de ses éléments d’équipement (toiture, chaudière), ou encore compte tenu de la réalisation projetée de travaux d'économie d'énergie.
A ce titre, rappelons que les copropriétés de 50 lots ou plus (quelle que soit la nature des lots en question), équipées d’un chauffage collectif (ou, plus rarement, d’une climatisation commune) et dont la date de dépôt de la demande de permis de construire est antérieure au 1er juin 2001 doivent réaliser obligatoirement un audit énergétique au 31 décembre 2016.
Si un audit énergétique a été élaboré et qu’il préconise la réalisation de certains travaux, il faudra prendre en compte, dans le financement, les cotisations du fonds et voir dans quelles mesures il peut être abondé le plus longuement possible par les copropriétaires.
Enfin, essayer de contourner l’obligation de constitution du fonds travaux n’a aucun sens et est totalement contre-productif. Certains essaieront de faire des économies en minorant sciemment le montant du budget prévisionnel pour faire en sorte qu’en y ajoutant la cotisation du fonds travaux, l’opération soit blanche et qu’il n’y ait ainsi aucun « surcoût ». Au final, le syndic aura du mal à boucler son budget, il devra piocher dans le fonds travaux, et ce en toute illégalité car il n’est pas conçu pour cela et, lorsque des travaux seront nécessaires, la copropriété ne disposera d’aucune trésorerie.