C’était une première. Le 25 septembre 2014, le tribunal d’instance de Soissons (Aisne) condamnait la Lyonnaise des eaux à verser 5680 € de dommages et intérêts à une mère de famille pour lui avoir illégalement coupé l’eau pendant un mois et demi. Un rappel à la loi confirmé par un second jugement : le 12 novembre 2014, c’est au tour de Veolia d’être condamnée par le tribunal d’instance de Bourges (Cher) et pour des faits identiques, à payer 6620 € à une famille de 5 personnes. Ce n’est sans doute pas fini. Un troisième jugement est attendu.
Pour statuer, les juges se sont appuyés sur la loi Brottes du 15 avril 2013 - dont le décret d’application est paru en février 2014 - venue modifier l’article L 115-3 du Code de l’action sociale et des familles qui interdit aux fournisseurs d’électricité, de chaleur et de gaz d’interrompre la fourniture de leur service dans une résidence principale, pour non-paiement des factures, du 1er novembre de chaque année au 15 mars de l’année suivante. Ces dispositions s’appliquant aux distributeurs d’eau tout au long de l’année.
De bonne foi
Le juge de Soissons rappelle que le « client d’un distributeur d’eau, qui est de bonne foi, mais qui, compte tenu de l’existence d’une situation financière très obérée, est en retard dans le règlement de ses factures, a, en vertu de son droit fondamental à l’eau, le droit d’obtenir une aide de la collectivité publique pour disposer du maintien de la fourniture d’eau dans sa résidence principale, ou, à défaut, le droit de réclamer un plan d’apurement de sa dette auprès de son fournisseur, qui ne peut pas interrompre la fourniture d’eau si cet usager respecte les modalités de paiement de celle-ci qui ont été convenues entre les parties. » En clair, il est interdit de couper l’alimentation en eau dans une résidence principale en cas d’impayés, sauf lorsque la mauvaise foi du client a pu être établie.
Ce n’était pas le cas dans cette affaire : une mère divorcée avec deux enfants de 6 et 16 ans à charge et engagée dans un plan de surendettement devait 646 € à son fournisseur qui lui a coupé l’eau alors qu’elle respectait l’échéancier établi avec lui. Pourtant, elle a dû attendre… le jour où elle l’a assigné en justice avec deux associations – la Fondation France Libertés et la Coordination eau Ile-de-France - à ses côtés, pour que celui-ci rouvre le branchement.
En difficulté
Même cas de figure dans la deuxième affaire. Une famille en difficulté a été privée d’eau pendant 83 jours, Veolia ayant consenti à rouvrir le robinet le jour où les deux associations l’ont assignée.
Le juge de Bourges a estimé que les parents, avec trois enfants à charge de 2, 7 et 13 ans, qui ont demandé à bénéficier d’une procédure de surendettement « justifient de ce qu’ils se trouvent en difficulté… « Leur situation entre donc incontestablement dans le cadre des dispositions légales, ajoute le juge, de sorte qu’une interruption de leur fourniture d’eau n’aurait jamais dû intervenir, leur mauvaise foi n’étant ni alléguée, ni a fortiori démontrée. »