En 2017, l’ANODE, l'association des opérateurs alternatifs, a publié un document de plaidoyer au titre très explicite « Suppression des tarifs réglementés de vente d’électricité : pertinence et modalités ». Un des arguments était que le tarif réglementé en France, et l’organisation française du secteur en général, bloquait l’ouverture. Afin de donner un fondement scientifique à ses propos l’association produisait dans son document une étude de trois économistes français.
Le plaidoyer indique, en page 82, que « Les analyses économiques du présent rapport se fondent sur l’étude économique académique réalisée par David Martimort, Jérôme Pouyet et Carine Staropoli figurant ci-après. Cette étude analyse la portée et les limites des tarifs réglementés dans le secteur de l’électricité. Elle est précédée d’un résumé en français ».
Dans ce document (en anglais donc), les auteurs analysent plusieurs cas de transition vers un marché dérégulé pour montrer que la France était globalement un mauvais élève car pas assez libérale.
Parmi les cas considérés comme bien plus positifs, figurait le Texas. En substance le Texas, qui est probablement l’État américain où le secteur est le plus dérégulé, a mis en place une transition forte et rapide vers une ouverture complète (cf ci-dessous). Le tarif réglementé n’a existé que durant une période transitionnelle de quelques années (il subsiste encore sur une faible partie du territoire) et le tarif régulé transitoire a été fixé pour favoriser autant que possible l’entrée d’alternatifs (c’est-à-dire à un niveau suffisamment élevé).
Extrait du Livre blanc de l’ANODE - La suppression des tarifs réglementés de vente d’électricité : pertinence et modalités - Altermind (Novembre 2017)
"Texas is a good illustration of this choice to implement a price control on incumbent supplier to encourage retail’s competition. The regulated price was calibrated thefollowing way: the regulator (Public Uility Commission) set a “Price to Beat” that theincumbent had to offer to their consumers, within their respective distribution service areas. This “Price to Beat” was transitional (anticipated to last 5 years from 2002 to2007). After 3 years or until 40% of residential and small business customers are servedby alternative providers, incumbent companies could start to offer a rate lower than this“Price to Beat”. This rate was designed to give customers of the incumbent companiesa discount (a 6% rate reduction at start of competition) and allow alternative suppliersand new entrants the opportunity to offer low rates and to gain market shares. As aresult, more than 70 firms have entered the retail market. The number of offers hasbeen multiplied and switching rates reached almost 40% (Defeuilley, 2009). Clearly, thedynamics of this retail’s competition in Texas has been fostered by regulated prices’ levelwhich has favored entries."
Nous traduisons la dernière phrase du passage : « Clairement, la dynamique de la concurrence sur le marché de détail au Texas a été facilitée par le niveau des tarifs régulés qui a favorisé les entrées sur le marché ».
Quand on voit la situation du Texas aujourd’hui (crise majeure, factures explosives), il serait bon de savoir si les opérateurs alternatifs français continuent d’assumer ce que leurs experts écrivaient en 2017.
Texas : des factures allant jusqu’à 13 500 € !
Le Texas a été confronté cet hiver à une vague de froid historique. Face à des températures polaires, le montant des factures de nombreux habitants a explosé pouvant atteindre jusqu’à près de 17 000 dollars (environ 13 500 euros) selon le New York Times. Pourquoi des montants si exorbitants ? Notamment parce que le Texas a choisi un marché de l’électricité extrêmement libéralisé, complètement dérégulé. Beaucoup de Texans ont signé des contrats dont le prix varie selon la demande. Avec des températures allant jusqu’à – 18°C, la consommation d’électricité a explosé… et donc les factures d’électricité.
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