L’antibiorésistance : c’est quoi ?
Lorsqu’un traitement antibiotique n’est plus efficace sur une infection bactérienne, on parle d’antibiorésistance ou de résistance aux antibiotiques. Les bactéries évoluent et créent des mécanismes de défense qui leur permettent d’échapper à l’action médicamenteuse.
Un phénomène qui a des conséquences multiples comme des maladies plus difficiles à soigner, des complications médicales, des consultations supplémentaires, des risques plus élevés lors d’interventions médicales, des décès causés par des infections bactériennes jusqu’alors faciles à traiter mais où il n’existe plus aucun traitement possible et une utilisation plus importante de médicaments.
Un enjeu mondial
« C’est un phénomène planétaire. Un article dans The Lancet parue en septembre dernier a annoncé que l’antibiorésistance pourrait causer plus de 39 millions de morts directement et serait associée à 169 millions de décès dans le monde entre 2025 et 2050. Le staphylocoque doré résistant à la méticilline arrive en tête, avec une multiplication par 2 des décès associés ou attribués à cette bactérie. D’autres comme les bactéries Pseudomonas, Salmonella ou Escherichia coli sont également concernées. Les personnes de plus de 70 ans avec un système immunitaire affaibli sont les plus à risques, même si tout le monde peut en être victime. », explique Claude Rambaud, vice-présidente de France Assos Santé.
L’élevage au cœur de l’antibiorésistance
« Dans de nombreux pays, des antibiotiques en dose faible sont toujours donnés aux animaux d’élevage pour accélérer leur croissance et leur prise de poids. Cette pratique, interdite dans l’Union Européenne depuis 2006, a contribué à la sélection de bactéries résistantes aux antibiotiques qui peuvent ensuite être transmises à l'humain (par les mains en contact avec la viande). En France, les plans ÉcoAntibio, mis en place depuis 2011, ont permis en huit ans une diminution de 45 % de l’exposition globale des animaux aux antibiotiques. », indique l’Institut Pasteur. En plus, un arrêté ministériel interdit depuis le 22 avril 2022, l’importation et la mise sur le marché en France de viandes et produits à base de viandes issus d’animaux ayant reçu des antibiotiques facteurs de croissance.
Un premier geste : ne pas abuser des antibiotiques
Vous souvenez-vous de ce slogan « Les antibiotiques, c’est pas automatique » entendu la première fois en 2002 ? Un slogan qui rappelait que nous avons tous un rôle à jouer, car l’usage inapproprié des antibiotiques a contribué au développement et à la dissémination de ces bactéries résistantes. « Plus on prend d'antibiotiques, plus le risque de faire émerger des bactéries résistantes s'accroît. Le bon usage des antibiotiques, c'est la bonne indication, la bonne molécule, la bonne dose et la bonne durée de traitement. », explique-t-on au Centre Régional en Antibiothérapie des Hauts-de-France (CRATB).
Sans oublier que les antibiotiques ne sont efficaces que sur les infections bactériennes et non sur les virus comme la grippe. « Des tests existent pour savoir si c’est le cas ou non. Ils peuvent être demandés par le patient auprès de son médecin traitant avant toute prescription. », indique Claude Rambaud.
Prévenir les infections
Une infection évitée, c’est un antibiotique préservé. Des gestes simples comme :
- Se laver fréquemment les mains surtout après un passage aux toilettes, en rentrant chez soi, avant de préparer un repas, après avoir éternué, avant et après avoir pris soin d’une personne… « Ce geste est l’une des principales mesures pour limiter la transmission de bactéries. La prévention passe aussi par une bonne hygiène de vie comme l’arrêt du tabac et la limitation de l’alcool. », insiste Claude Rambaud.
- Conserver les aliments et préparer les repas dans des conditions optimales (bonne température de conservation, cuisson suffisante…) et bien nettoyer les ustensiles utilisés en cuisine.
- Porter un masque en cas de toux et/ou de fièvre
- Respecter les dates de vaccination obligatoires et recommandées. La vaccination contre les infections bactériennes est un moyen d’éviter la maladie et la multiplication des bactéries résistantes.
Oublier l’automédication
Vous avez tendance à conserver les restes de médicaments non utilisés dans votre armoire à pharmacie. À tort surtout en matière d’antibiotiques, car vous pourriez être tenté de réutiliser sans avis médical ces médicaments. Les antibiotiques ne relèvent pas de l'automédication.
« Le mieux est, une fois le traitement antibiotique terminé, de ramener toutes les boîtes entamées ou non utilisées en pharmacies pour qu’elles soient détruites correctement et qu’elles ne polluent pas l’environnement. », rappelle le réseau Cyclamed, l’éco-organisme qui collecte les médicaments non utilisés au sein des officines.
Ne pas arrêter un traitement médical prématurément
Il est indispensable de respecter la prescription médicale reçue. Dose, durée du traitement, fréquence, horaires… permet de préserver l’efficacité des médicaments et d’éviter les récidives. Cesser un traitement prématurément, même si son état de santé s’améliore, ne signifie pas pour autant que toutes les bactéries responsables ont été éliminées. « Les bactéries qui restent peuvent développer une résistance contre cet antibiotique, qui ne sera alors plus efficace lors de la prochaine utilisation. Il est aussi important de prévenir son médecin au moindre effet secondaire (nausées, éruptions cutanées…) pour éviter d’arrêter son traitement sans avis médical. », précise Claude Rambaud.
La semaine mondiale de sensibilisation à la résistance aux antimicrobiens
À l’occasion de la semaine mondiale de sensibilisation à la résistance aux antimicrobiens du 18 au 24 novembre 2024, les acteurs engagés dans la prévention de la résistance des bactéries aux antibiotiques (ou antibiorésistance)* rappellent que "la lutte contre la résistance aux antimicrobiens est une priorité mondiale qui exige une collaboration étroite entre la santé humaine, la santé animale et l’environnement. L'engagement des patients et des professionnels de santé est fondamental dans la lutte contre l’antibiorésistance." Cet hiver une campagne rappellera à chacun que « Les antibiotiques, bien se soigner, c’est d’abord bien les utiliser ».
Ces acteurs de la santé publient un état des lieux de la consommation des antibiotiques et de l’antibiorésistance dans une perspective « Une seule santé » (en santé humaine, animale et dans l’environnement) en France. A lire ici
*Santé publique France , Ministère de la Santé et de la Prévention, Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire , Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires , Ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères,, Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Anses, Assurance Maladie, ANSM, Haute Autorité de Santé, Inserm.
*ARS Hauts-de-France - Antibiorésistance : agir tous ensemble | Agence régionale de santé Hauts-de-France
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Crédit vidéo : World Health Organization (WHO)