Une aide bien maigre pour la rénovation énergétique
Du fait de la crise énergétique, le sujet de la consommation d’énergie et de la rénovation des bâtiments a fortement progressé dans les opinions. Depuis plusieurs années, l’ensemble du mouvement HLM (associations de locataires, bailleurs sociaux, élus locaux, parlementaires) réclamait une aide massive pour accélérer la transition énergétique des logements sociaux et les faire sortir du statut de passoire thermique, soit les logements étiquetés F ou G selon le diagnostic de performance énergétique (DPE).
Un argent de plus en plus rare et de plus en plus cher
En effet, même si globalement les bailleurs sociaux faisaient mieux que le secteur privé (9,5% des logements du parc social sont des passoires énergétiques, contre 17% dans le privé), grâce à la rénovation urbaine et une démarche plus volontariste, l’inflation a fortement freiné les capacités de rénovation des HLM.
Ceci s’explique par la forte dépendance des bailleurs sociaux à des prêts de la Caisse des Dépôts et Consignations (également appelé Banque des Territoires). Ces prêts sont obtenus selon les travaux réalisés et le gain de performance énergétique obtenu (au moins un saut de 2 classes, par exemple un F basculant en D, voire davantage). Malheureusement, ces prêts sont dans la majorité des cas indexés sur le taux du livret A. Or, si une hausse du livret A est favorable pour le consommateur, elle a un impact négatif pour les bailleurs sociaux, qui voient le coût du prêt renchérir pour l’ensemble de leurs opérations (constructions et rénovations).
En comparaison, les différents outils de subventions directes comme le Plan de Relance de 2021 et France Relance 2030 arrivent à terme (700 millions d’euros avaient été alloués depuis 2021).
Les bailleurs seraient donc contraints de réduire le nombre de travaux de rénovations énergétiques pour équilibrer le budget annuel. Tout cela alors que le coût de l’énergie a explosé depuis 2022, que les locataires sont pris à la gorge, et que plusieurs logements ne pourront plus être loués au titre de la loi Climat et Résilience, qui interdit la location des passoires thermiques (G en 2025, F en 2028, et E en 2034).
Une hausse des crédits par l’État au profit de la rénovation énergétique des logements sociaux s’imposait.
Un accord en catastrophe
Malheureusement, la première version du texte était très loin des attentes. Pour l’Union Sociale pour l’Habitat qui regroupe les bailleurs sociaux (Offices Publics de l’Habitat et SA HLM), ce budget « est incohérent avec les objectifs affichés de planification écologique ».
Face à la bronca des bailleurs et à une probable séquence difficile pour le nouveau ministre du logement et ancien maire de Dunkerque Patrice Vergriete au Congrès de l’USH, prévu à Nantes une semaine après, des arbitrages ont été fait en catastrophe avec le ministère des finances. En effet, le ministre du logement souhaitait à tout prix ne pas repartir les mains vides du congrès de l’USH, et a donc obtenu un engagement relatif à la transition écologique.
Finalement, 1,2 milliard d’euros seront proposés aux bailleurs sociaux sur 3 ans pour financer directement la rénovation énergétique. Ces montants proviennent du budget de l’ANAH et du dispositif « Ma Prime Rénov’ », réservé au parc privé (doté de 5 milliards d’euros pour la seule année 2024). Cela reste toutefois un montant bien maigre par rapport aux enjeux.
460 000 logements sociaux doivent être rénovés pour sortir du statut de passoire thermique, alors que le coût moyen par logement a fortement augmenté (environ 50 000 euros pour une rénovation globale performante). Il faudrait donc 23 milliards d’euros d’ici 2034 pour enfin atteindre les objectifs de transition énergétique fixés par l’État lui-même pour le parc social. Même si de nouveaux prêts sont en place, ainsi que des aides de taux pour limiter le coût du livret A, nous sommes donc très loin du compte pour l’instant.
Seul gain positif, apparu lors des échanges au Parlement. Un amendement a obtenu l’approbation du gouvernement, malgré un débat réduit à la suite de l’usage de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution engageant la responsabilité du gouvernement. Cet amendement, soutenu par l’USH, est la création du « dispositif seconde vie ». Cette expérimentation concernera un millier de logements sociaux anciens (plus de 40 ans) afin de les rénover intégralement en logements à haute performance énergétique (HPE, soit au moins une classe B). L’idée est de simplifier le processus de rénovation et d’en réduire le coût tout en restant très exigeant sur les matériaux et les résultats. 40 millions d’euros seront alloués ainsi que des exonérations de taxe foncière. Les collectivités locales et d’autres modes de financement peuvent accompagner cette expérimentation en complément.
La rénovation énergétique est donc légèrement soutenue, même si l’objectif de 200 000 logements rénovés par an (parc privé et social) semble très optimiste compte tenu du contexte et des moyens mis à disposition.
Toujours rien pour la construction
On n’en attendait rien, mais on est quand même déçus. Le Conseil National de la Refondation (CNR) n’ayant pas abouti à des mesures fortes de la part de l’État, le gouvernement continue de ne pas soutenir un secteur dans la tourmente. Les constructions de logements sociaux sont au point mort et tombent à 66 000 agréments seulement en 2023, dont moins de 7 000 en Île-de-France. En 2017, c’était plus du double. Le fameux « choc de l’offre » promis par le président de la République avec la loi ELAN en 2018 semble avoir pris un tout autre sens.
En comparaison, la demande de logements sociaux atteint un pic avec 2,4 millions de personnes en attente.
Surtout ne pas parler de construction
Face à cela, le gouvernement préfère ne plus parler de construction. Cette situation se reflète dans le budget. L’État continue à réduire son soutien à la construction, ne finançant toujours pas le Fonds National des Aides à la Pierre (FNAP). Le prêt à taux zéro (PTZ) pour l’accession à la propriété voit sa localisation recentrée sur les zones tendues, même si des ménages ayant davantage de ressources pourront aussi y avoir accès et que l’enveloppe est agrandie (jusqu’à 100 000 euros, contre 80 000 euros auparavant). Au moins peut-on se consoler que l’accession sociale à la propriété via les coopératives HLM est sanctuarisée selon les mêmes modalités.
Concernant l’accès au foncier public, les bailleurs sociaux continuent d’attendre les actes annoncés en son temps par Jean Castex, alors Premier ministre lors du Congrès de Bordeaux de 2021. Il n’y a pas non plus de soutien avéré pour réduire le coût du foncier, malgré les faibles annonces de la Première Ministre Elisabeth Borne du développement du Bail Réel Solidaire (BRS) dans les zones tendues.
Une mesure anecdotique a été proposée depuis avec un nouvel abattement fiscal en cas de cession de terrain. Ainsi, un propriétaire vendant un terrain à construire dans une zone tendue entre le 1er janvier et le 31 décembre 2025 bénéficiera d’une déduction d’impôt sur les fruits de la vente. Cette déduction atteindra 85% si 50% de la surface du terrain et servira à la construction de logements sociaux ou intermédiaires.
Promotion immobilière secourue par les bailleurs sociaux
Sans mesure de fond sur la construction, le gouvernement continue une méthode inaugurée à l’été : le sauvetage des promoteurs immobiliers avec l’argent des bailleurs sociaux (et donc des locataires). En juin déjà, la Caisse des Dépôts (via sa filiale CDC Habitat) et Action Logement ont dû racheter 50 000 logements en VEFA à des promoteurs ne pouvant plus honorer leurs obligations. Les sommes à débourser avoisinent les 8 à 10 milliards d’euros, pour créer environ 15 000 logements sociaux et 35 000 logements intermédiaires.
Le 16 novembre, la Première Ministre a indiqué qu’une nouvelle vague de rachat est à prévoir, avec d’autres bailleurs sociaux et des investisseurs privés, lors d’un déplacement avec le Ministre du Logement. Ce second volet se concentre sur le logement étudiant et le logement intermédiaire en zone tendue. À ce jour, l’État ne semble pas financer ce sauvetage à grands frais.
Maintien de la RLS et faible hausse des APL
Alors que des mesures de soutien pour le logement social étaient nécessaires compte tenu de la gravité de la crise, le gouvernement a globalement préféré une approche comptable. Ce n’est pas faute d’avoir tenté de le convaincre.
Peu avant l’annonce du Projet de Loi de Finances, le président du Conseil National de l’Habitat (CNH), le député des Landes Lionel Causse (Renaissance), avait adressé au gouvernement une lettre demandant la suppression de la Réduction de Loyer de Solidarité (RLS) et la baisse de la TVA à 5,5% pour toutes les constructions neuves de logements sociaux. Il s’opposait aux positions de son groupe parlementaire et au gouvernement dont c’est la ligne depuis 2018, malgré le combat mené par les bailleurs sociaux et les associations de locataires.
Le gouvernement a maintenu sa ligne et 1,3 milliard d’euros seront à nouveau ponctionnés en 2024 sur la trésorerie des bailleurs sociaux, réduisant davantage l’entretien et la maintenance des logements, comme le soulignait déjà en 2021 un rapport de la Cour des comptes.
Les locataires quant à eux subissent toujours l’inflation. Avec le « cadeau » du bouclier loyers plafonnant la hausse annuelle à 3,5%, Ils bénéficieront d’une hausse des APL de 3,5%, soit + 400 millions d’euros en 2024. À nouveau, le gouvernement a volontairement ignoré que cette revalorisation des APL ne compense pas la hausse des loyers, car le montant moyen de l’APL est plus faible (environ 200 €pour les APL, contre 620 € pour les loyers) et que de nombreux ménages ne sont pas éligibles à cette aide. Les locataires sont encore les oubliés de la politique du logement, et les déclarations du ministre du Logement ne sont pas là pour rassurer.
Un congrès HLM sans annonce majeure et une déception de taille
Le congrès de l’USH organisé à Nantes du 3 au 5 octobre n’a pas convaincu le mouvement HLM. Si quelques annonces positives ont été faites, surtout sur la rénovation énergétique, les arbitrages n’ont pas vraiment joué en la faveur du logement social et des locataires en particulier.
La rencontre de la CLCV avec le ministre du Logement fut assez brève et n’a pas réduit nos inquiétudes. Il considère que la politique du logement doit faire l’objet d’une forte décentralisation et d’un pouvoir accru pour les collectivités locales, allant jusqu’à proposer la décentralisation de l’APL et de la rénovation urbaine. Un projet de loi en ce sens sera présenté au printemps 2024. Concernant l’inflation, ses réponses décevantes, estimant la hausse de 3,5% des loyers est « équilibrée », alors qu’il s’agit de la plus forte hausse depuis 25 ans.
La CLCV lui a soumis le problème de cette hausse dans les passoires thermiques en HLM. Les logements F et G dans le parc social ne sont pas couverts par le gel des loyers qui s’applique dans le parc privé. Il a répondu ne pas vouloir corriger cette inégalité de traitement, estimant que ce gel était « une incitation » à la réalisation de travaux pour les bailleurs privés, alors que les bailleurs sociaux selon lui n’en ont pas besoin. La CLCV continue d’essayer de le convaincre de la nécessité de ce gel, alors que les locataires HLM ont été les premières victimes de la hausse des charges de chauffage.
Il a heureusement confirmé à l'association que l’aide (bouclier tarifaire habitat collectif) pour les bailleurs sociaux et les copropriétés enfermés dans des contrats d’énergie chers (gaz ou électricité) signés au second semestre 2022 serait maintenue. Nous en connaîtrons les modalités d’ici la fin de l’année.
La CLCV est donc assez réservée sur les intentions du gouvernement quant au logement social, et restons vigilants.
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