La loi SRU vise à renforcer la mixité sociale dans le parc social, notamment dans les quartiers les plus pauvres, les zones urbaines sensibles (ZUS), désormais connues sous le nom de Quartiers Prioritaires de la Politique de la Ville (QPV). Si des avancées sont réelles, il est nécessaire de renforcer le dispositif en prenant en compte la typologie des constructions existantes.
Une précarité source de ségrégation sociale
Depuis les années 1980, les ménages dans le logement social se sont appauvris. Toutefois, les phénomènes économiques ne peuvent pas expliquer toute la différence avec le logement privé. En effet, il est nécessaire de prendre en compte le critère spatial du logement social dans les zones tendues.
Par la rareté du foncier, et des programmes d’urbanisme désormais obsolètes, les logements sociaux ont fait l’objet d’une concentration soit dans des quartiers historiquement populaires (Ports du Rhin à Strasbourg, Est Parisien, Quartiers Nord de Marseille), soit dans des villes nouvelles dans les années 50 et 60 en marge des grands centres urbains. Si la construction de logements sociaux pour les ouvriers se justifiait bien à l’époque par leur proximité avec leur lieu de travail, la disparition des usines a engendré un isolement de ces quartiers.
L’absence de transport en commun et d’infrastructures ou d’accès à des commerces favorisa une ségrégation sociale entre les logements sociaux dans les quartiers et ceux situés plus proches des villes.
La dégradation du bâti, du fait de matériau de qualité moyenne dans les années 1950 et 1970 et d’une construction hâtive, et l’exode des classes moyennes vers les banlieues pavillonnaires ont renforcé la précarité dans le logement social.
D’après l’étude de France Stratégie de février 2021, s’appuyant sur les données de l’Insee (bases de recensement SAPHIR et Fideli), cette ségrégation atteint son sommet en 1990 dans les unités urbaines de plus de 100 000 habitants.
Dans le cas de l’unité urbaine de Paris par exemple, il serait nécessaire de « déplacer 63 % des logements sociaux d’un quartier à l’autre pour obtenir le même taux de logements sociaux dans tous les quartiers de l’unité urbaine ».
La concentration des logements sociaux au sein d’un même quartier est donc équivoque. Il en est de même parfois à l’échelle intercommunale, où certaines communes s’entendent pour concentrer les logements sociaux dans un ensemble continu à plusieurs communes, reléguant ces logements à la périphérie du centre-ville de chaque collectivité.
Une meilleure répartition des logements sociaux
En instaurant une obligation de quotas de logements sociaux dans les communes de plus de 3500 habitants, la loi SRU avait pour objectif de réguler la localisation et la pertinence des logements au sein de la commune.
Sur ce point, les effets de la législation sont plus ambiguës. D’après les données de l’ANRU utilisées par France Stratégie, le taux de ségrégation sociale du logement social (soit la concentration des logements sociaux dans un quartier) a bien diminué entre 1990 et 2018.
Seulement la moitié des communes « déficitaires » ou « carencées » ont atteint leurs objectifs de production triennaux, et se rapprochent de l’objectif de 25%.
L’indice de ségrégation du parc social a d’ailleurs fortement baissé, y compris dans les zones les plus tendues où l’accès au foncier est très difficile, comme Paris. L’indice est passé de 63% en 1990 à 53% en 2018. Cette évolution est encore plus visible sur les autres unités urbaines. Pour les unités urbaines de plus de 500 000 habitants, l’indice de ségrégation du parc social passe de 62% en 1990 à 46% en 2018. La tendance est similaire pour les unités urbaines de 100 000 ou 200 000 habitants
Cependant, cette amélioration ne peut être attribuée uniquement à l’effet de la loi SRU. La première éclaircie commença dès les années 1990, avant son entrée en vigueur.
De plus, si la ségrégation du logement social est en baisse, c’est moins le cas pour les ménages. Ainsi, les 20% les plus modestes voient leur indice de ségrégation baisser de 34% à 32% dans l’unité urbaine de Paris entre 2012 et 2018, mais il progresse ou stagne dans les autres cas.
D’après France Stratégie :
« En 2018 comme en 2012, environ 8 % des ménages du premier quintile (les 20 % les plus modestes) vivent dans des quartiers où ils représentent plus de 40 % des ménages du quartier. De même, parmi les ménages qui vivent dans des quartiers de la politique de la ville, la part des ménages du premier quintile est stable sur la période récente, et se situe autour de 48 %, en 2018 comme en 2012 ».
La situation varie enfin selon les communes. Si l’indice de ségrégation du logement social diminue fortement entre 2010 et 2017 (plus de 5 points) à Rennes, La Rochelle, Troyes et Perpignan, l’indice de ségrégation des ménages du premier quintile progresse d’environ 1 point chez ces mêmes communes.
La loi SRU a donc contribué au désenclavement du logement social depuis 2000, mais la paupérisation des ménages demeure une réalité. Cette question est d’autant plus prégnante face aux réformes engagées depuis 2017, et les dangers qu’elles représentent pour le mouvement HLM.
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