Le logement social au cœur du cadre de vie
Le logement social constitue un pilier de l’action publique en faveur du logement. Avec plus de 5,2 millions de logements en 2021, il loge près de la moitié des locataires, et près d’un français sur six occupe un logement social (environ 10,7 millions). Le parc locatif social français constitue le plus important d’Europe, devant les Pays-Bas et l’Autriche.
Le développement du logement social est partie intégrante de l’histoire sociale de France depuis 1945. Grâce à des loyers faibles, convenus entre la commune, le bailleur social, et l’État par voie de conventionnement, il constitue un moyen efficace de loger un grand nombre de ménages à un prix abordable. Véritable outil de modernisation, assurant confort et qualité de vie, les Habitations à Loyer Modéré (HLM) ont permis de sortir de la précarité des millions de ménages.
Auparavant limité aux salariés ouvriers (les cités ouvrières), il s’est généralisé à l’ensemble de la société. Le logement social est désormais accessible à plus de 7 Français sur 10, sous condition de ressources. Autant les plus précaires que la classe moyenne peuvent en faire la demande.
Le logement social accompagne également le développement des villes. Il permet de loger les ouvriers et employés nécessaires au fonctionnement des entreprises et usines, ainsi que les agents de la fonction publique (policiers, infirmiers, pompiers, militaires, services communaux, etc.) qui nous accompagnent au quotidien. Il permet donc une continuité de l’activité économique et des services publics sur l’ensemble du territoire.
Une production de logements sociaux permet donc de garantir l’accès à l’ensemble des services dont les citoyens ont besoin. Ce constat s’est d’ailleurs vérifié lors de la crise sanitaire, avec la question des travailleurs de premières et deuxièmes lignes. En permettant à ces derniers de bonnes conditions de vie, dont le logement est l’élément déterminant, nous pouvons garantir des commerces, des entreprises, et donc une situation économique favorable.
Une baisse des constructions qui favorise la hausse de l’immobilier privé
Toutefois, à partir des années 1990, le logement social souffre de problèmes structurels : dégradation du bâti, paupérisation des ménages, image négative faite de tours et de barres d’immeubles anciennes, insécurité.
Alors qu’une partie de la population est en proie à la paupérisation, du fait d’une désindustrialisation importante à partir des années 1970-1980, certaines communes misent sur les services afin d’attirer de nouveaux investissements. Si cette politique se révèle payante, notamment dans les pôles d’attractivité économiques (Paris et proche banlieue, technopoles, villes touristiques), elle favorise une segmentation de l’offre de logements. Les communes souhaitant mobiliser du foncier à destination de bureaux, commerces, et autres activités tertiaires, démolissent des logements sociaux et n’en construisent plus.
Le passage en 1977 d’une politique du logement basée sur la construction (aides à la pierre) à des aides à la personne (les APL), incite davantage les communes à ne plus proposer de nouvelles offres de logements.
La CLCV s’était opposée à ce changement, et continue de soutenir un investissement dans les aides à la pierre depuis.
La construction diminue, entraînant une raréfaction de l’offre de logements abordables pour les ménages. Les locataires disposant de suffisamment de moyens deviennent soit propriétaires, soit locataires dans le parc privé. Une paupérisation des ménages dans le logement social s’opère alors et depuis 1984, le revenu moyen en euros constant dans le parc social a diminué de 15%. Cette pauvreté, liée à un manque d’activité économique, favorise alors des comportements asociaux et actes illégaux, certes très minoritaires, et aggrave le manque d’attrait pour le logement social.
Le logement social devient donc dans certaines communes, non pas un atout pour contrer la hausse des prix dans les grandes villes, mais un repoussoir politique et social.
Or, les prix dans le parc privé, du fait de la rareté du foncier dans les grands pôles urbains, s’envolent à partir des années 1980, progressant de près de 80% en euros constants en trente ans.
Et pourtant, dès les années 1980, les méthodes de construction et l’échelle des projets se rapprochent plus des opérations immobilières du secteur privé, voire les dépassent en termes de qualité, avec des immeubles plus petits, des logements plus grands, et plus adaptés aux besoins des demandeurs (familles, personnes âgées, jeunes couples, etc.).
Le choc d’offre de la loi SRU
Face à la crise du logement, notamment en régions Ile-de-France et PACA, dans la métropole lyonnaise, et sur le front atlantique dans des villes comme Nantes ou Bordeaux, un choc d’offre est nécessaire.
Deux possibilités existent alors :
- Continuer l’étalement urbain avec des logements toujours plus éloignés des centres-villes, favorisant des villes-dortoirs, dans des conditions de vie mauvaises (temps de trajet domicile-travail plus long, dépendance au transport en commun ou à la voiture, éloignement des commerces et activités culturelles ou de loisir, etc.), en contradiction avec le développement durable.
- Relancer la construction de logements sociaux dans les villes.
La loi SRU, grâce à son article 55, favorise cette seconde option. Les communes de plus de 3500 habitants (1500 en région parisienne), appartenant à une intercommunalité de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants, doivent disposer de 20 % de logement social, en regard des résidences principales. Ce taux a ensuite été relevé à 25%, dans le cadre de la loi ALUR en 2014, d’ici 2025.
En cas de non-respect de cette obligation, vérifiée annuellement avec un bilan triennal, les communes concernées, dites « déficitaires » ou « carencées », doivent verser une pénalité proportionnelle à leur potentiel fiscal et au déficit en logement social.
L’introduction des pénalités financières et les quotas dans les villes concernées ont eu un effet visible sur la production de logements sociaux dès 2003, d’après la commission des finances du Sénat en 2015 et la base de données du Répertoire des logements locatifs des bailleurs sociaux (RPLS).
Le nombre d’agréments (autorisation de construction et conventionnement entre l’État et le bailleur) de logements sociaux a progressé de 56 425 en 2003 à un plateau de 147 691 en 2010, soit une progression de 160% en 7 ans.
Cette progression est notamment visible dans les zones tendues, soumises aux obligations de la loi SRU. Ainsi, à Paris, selon l’inventaire SRU annuels, le pourcentage de logements sociaux en résidence principale dans la ville est passé de 13,41% en 2001 à 19,87% en 2016 (soit 76 000 logements de plus).
La Cour des comptes reconnaît d’ailleurs, dans son rapport sur le bilan de l’article 55 de la loi SRU, remis à la Ministre du Logement en mars 2021, que « le mécanisme de quotas prévu par l’article 55 a incontestablement eu un effet positif sur la production globale de logements locatifs sociaux dans les communes concernées ».
Les différents bilans triennaux montrent que l’objectif fixé par la loi est souvent dépassé. Le dernier en date (2017-2019) a été atteint à hauteur de 107%.
La loi SRU a donc favorisé le développement de l’offre de logement social, et a permis de loger des centaines de milliers de personnes dans des zones tendues où le parc privé est devenu difficilement accessible pour la plupart des ménages.
Mais la loi SRU ne se limite pas à la seule production de logements. En effet, son second objectif pour le logement social était l’amélioration de la mixité sociale au sein du parc social.
Crédit photo :© helenedevun - stock.adobe.com