L’intérêt d’un bailleur investisseur recherchant avant tout une rentabilité maximale du logement acquis en un minimum de temps, ne rencontre évidemment pas celui d’un locataire. Les dysfonctionnements des copropriétés issues des opérations d’investissement locatif et l’absentéisme toujours croissant en assemblée générale, nous rappellent le peu de cas que certains copropriétaires prêtent à la gestion de leur « patrimoine partagé » et le fait que le statut même de propriétaire ne garantit nullement la bonne gestion de l’immeuble.
Pourtant, la maîtrise des charges (eau, électricité, gaz…) la qualité de la gestion et l’entretien régulier, ne sont pas seulement indispensables à la prévention de la dégradation et de la dévalorisation de la copropriété, ils ont un impact direct sur le quotidien de l’ensemble des occupants, quel que soit leur statut.
Les locataires, parce qu’ils sont exclus du collectif que représente le syndicat des copropriétaires, n’ont aujourd’hui pas voix au chapitre dans la gestion de la copropriété qu’ils habitent. Pourtant, plus d’un occupant sur deux en copropriété est locataire. Pourquoi continuer d’ignorer la moitié des personnes qui vivent sur place, en collectivité ?
Cette réflexion n’est-elle pas devenue incontournable face au constat d’inertie, voire de paralysie dans certaines copropriétés ? En effet, cette forme d’habitat apparaît à la traîne des exigences de remise à niveau du parc (gros retard d’entretien) et plus largement des évolutions sociétales (dispositions permettant la réduction des consommations d’eau et des énergies, le tri sélectif, les mobilités douces…). Sans compter le phénomène croissant des copropriétés en difficulté dont l’ensemble des occupants subit au quotidien la défaillance du syndicat des copropriétaires ou de leur bailleur, les dysfonctionnements des services et des équipements, les dégradations, la dérégulation des charges... Face à cette spirale de dégradation, les locataires sont impuissants et vulnérables.
Pourtant, la présence quotidienne des locataires pourrait être un levier de mobilisation essentiel pour renforcer la gestion collective et prévenir ainsi la dégradation, aux côtés des copropriétaires impliqués.
Cette question est fondamentale dans les résidences composées très majoritairement de copropriétaires-bailleurs : petites copropriétés dégradées de centre-bourgs, immeubles construits dans le cadre d’opérations d’investissement locatif… En effet, ces copropriétés souffrent bien souvent du désinvestissement de leurs bailleurs dans les instances décisionnelles : des assemblées générales désertées donnant lieu à des procès-verbaux de carence, un conseil syndical fragile (réunissant souvent les seuls propriétaires occupants) voire inefficace parce que ses actions ne sont pas soutenues par le Syndicat des copropriétaires... Comment peut-on alors gérer une telle copropriété lorsque la très grande majorité des copropriétaires s’en désintéresse et que la voix des occupants n’est pas prise en compte ? Les retours de terrain sont éloquents : ces copropriétés basculent rapidement dans la spirale de dégradation et viennent grossir les chiffres, inflationnistes, des copropriétés en difficulté.
Le nombre des copropriétés dites « désorganisées », « non gérées », « en fragilité », oblige à dépasser des positionnements figés, opposant les statuts et les intérêts particuliers. Prendre en compte les locataires, c’est un moyen de contribuer concrètement à la revalorisation de l’intérêt collectif en copropriété, et de faire en sorte que ces résidences fonctionnent correctement.
Bien évidemment, il ne s’agit pas d’entrer en conflit avec le droit de propriété en conférant, par exemple, un droit de vote aux locataires. Mais il est étonnant que l’assemblée générale, qui est pourtant souveraine, ne puisse choisir ses propres modalités de fonctionnement. Pourquoi l’interdire de désigner un locataire au conseil syndical si son bailleur est d’accord ? Pourquoi limiter le conseil des résidents aux seules résidences services ? Pour quelles raisons un copropriétaire ne pourrait mandater son locataire pour contrôler les comptes ? Pourquoi ne pas permettre de plein-droit à un locataire qui le désire de soumettre une question à l’assemblée générale et d’y assister ? A l’heure où le gouvernement souhaite réformer le droit de la copropriété, il est nécessaire d’ouvrir enfin le débat.