Un accord sur les prix des fruits et légumes vient d’être signé entre la grande distribution et la profession agricole afin de plafonner les marges des grandes surfaces en cas de crise de surproduction. Lors de telles crises, les consommateurs comprennent mal que leur ticket de caisse reste inchangé alors même que les agriculteurs se disent au bord de la ruine suite à un effondrement des cours.
Cependant, on peut s’interroger sur la portée d’une mesure strictement nationale alors que les distributeurs importent des fruits et légumes provenant d’autres états membres ou de pays hors union européenne.
Quant aux circonstances de cet accord, signé sous la pression des pouvoirs publics et sous la menace d’une taxe, elles en disent long sur les relations entre producteurs et distributeurs. Visiblement, la question centrale de la formation des prix et du partage de la valeur ajoutée entre l’amont et l’aval des filières est loin d’être résolue.
A ce jour, l’Observatoire des prix et des marges, censé faire la transparence dans ce domaine, n’a apporté que des réponses partielles. Travaillant essentiellement sur des marges brutes [1], il ne peut mettre en évidence de façon formelle une augmentation abusive des bénéfices de tel ou tel maillon de la filière.
La loi de modernisation de l’économie (LME) de 2008, destinée à réformer les relations entre les distributeurs et leurs fournisseurs, n’a pas eu les effets attendus. Parmi les mesures phares de ce texte, figurait la suppression des fameuses marges arrières qui, selon les professionnels, pouvaient représenter jusqu’à 30 % du prix final. Les consommateurs étaient donc en droit d’attendre une baisse sensible des prix. Mais les chiffres de l’Insee ont de quoi les laisser sur leur faim. Ce n’est que fin 2009, plus d’un an après le vote de la LME, que les prix alimentaires ont entamé une baisse qui reste pour le moins timide (de l’ordre de -0.2% par rapport à l’année précédente). On peut d’ailleurs penser que cette faible décrue des prix s’explique au moins autant par le ralentissement économique que par la réforme des relations commerciales.
Sans minimiser la gravité des crises subies par la filière des fruits et légumes, la CLCV considère que la question des prix et des marges des différents acteurs est un problème beaucoup plus large qui suppose d’agir au moins sur trois leviers :
- La transparence sur les prix, les marges brutes et surtout les marges nettes aux différents stades des filières afin d’identifier les dérives éventuelles et d’y remédier ;
- La politique de la concurrence qui doit mettre un terme aux rentes de situations de certains professionnels et prévenir les abus de position dominante et les ententes ;
- Le soutien aux organisations de producteurs afin de renforcer leur pouvoir de négociation vis-à-vis des industriels, des intermédiaires divers et de la grande distribution
(Publié le 18 mai 2010)
[1] Dans le secteur de la distribution, la marge brute est la différence entre le prix d’achat d’un produit et le prix auquel il est vendu au consommateur. Cette marge brute inclut les charges opérationnelles liées à l’activité ainsi que la marge nette qui correspond à l’excédent dégagé grâce à cette activité.