En octobre 2014, la CLCV a lancé une action de groupe contre AXA et AGIPI pour ne pas avoir respecté les termes du contrat d’assurance vie « CLER » passé avec les souscripteurs. Les épargnants qui avaient souscrit avant 1995 bénéficiaient d’un rendement minimum de 4,5 %. L’assureur s’est soustrait à cet engagement et la CLCV l’a donc assigné pour réclamer le préjudice individuel de plusieurs milliers d’euros subi par environ 100 000 épargnants.
Le rôle des associations d’épargnants
Cette affaire, en attente de jugement, a mis en lumière le rôle des associations d’épargnants dans la distribution des contrats d’assurance-vie. Le contrat CLER est souscrit dans les agences d’AXA, mais il est émis par l’association d’épargnants AGIPI. Cette association négocie les termes du contrat avec le professionnel (ici AXA) et peut décider de modifications importantes au nom de tous les adhérents. Sans le savoir, souvent, les épargnants sont de fait membres d’une association qui prend ensuite des décisions à leur place.
Ce système d’association d’épargnants et tout sauf artisanal. Il existe plusieurs grandes associations qui travaillent de façon exclusive avec un seul assureur. Outre le tandem AGIPI / AXA, citons les associations AFER (liée à Aviva), Andecam (liée au Crédit Agricole) ou GAIPARE (liée à Allianz). Ces associations représentent plusieurs millions d’épargnants et 200 milliards d’euros d’assurance-vie placés par les particuliers !
Ce mode d’organisation présente des avantages sur le papier car, en théorie, il s’agit d’un achat groupé de produits d’épargne qui pourrait donner un pouvoir de négociation aux épargnants. Mais, en pratique, ce type de contrats associatif soulève de nombreuses difficultés qui sont dues à la gouvernance de ces structures.
Des liens trop étroits avec les assureurs
Cette gouvernance est défaillante, d’abord parce que ces associations ont souvent des liens trop étroits avec l’assureur. Dans certains cas, l’assureur finance une majeure part du budget de l’association, ce qui contrevient évidemment au principe d’indépendance. Fait aussi important, les dirigeants de ces associations sont souvent d’anciens cadres supérieurs de l’assureur avec qui ils sont censés négocier. L’actuel président d’AGIPI est l’ancien DG d’AXA France (AGIPI négocie avec… AXA France), la plupart des administrateurs de l’Andecam, président inclus, sont d’anciens directeurs du Crédit Agricole (l’Andecam négocie avec… le Crédit Agricole).
Les professionnels de l’assurance-vie utilisent en fait le système d’association d’épargnants pour externaliser la gestion de leurs clients tout en gardant le contrôle, par les moyens mentionnés, ce qui dévoie le principe associatif.
La gouvernance est aussi défectueuse au sein-même de l’association, dans la mesure où « l’adhérent de base » (l’épargnant) ne dispose pas des pouvoirs normalement octroyés dans une association, cette dernière étant très étroitement contrôlée par le conseil d’administration.
Il apparaît que ces associations peuvent apporter des modifications importantes au contrat par une simple décision du conseil, sans nécessiter l’approbation de l’assemblée générale (AG). Le fonctionnement de ces AG est aussi critiquable. Notamment, le nombre de pouvoirs n’est pas limité, ce qui permet à plusieurs présidents d’association de cumuler plusieurs dizaines de milliers de pouvoirs et de contrôler complètement l’AG.
C’est par ce système très verrouillé que les associations et les assureurs prennent des décisions très importantes et souvent défavorables à l’épargnant concerné. La remise en cause d’un taux de rendement minimum de 4,5 %, effectué par AXA/AGIPI, a été aussi appliquée dans ce cadre par l’Andecam/Crédit Agricole, par exemple.
Redonner du pouvoir aux assemblées générales
Pour défendre aux mieux ces épargnants, la CLCV a suscité des amendements au projet de loi Sapin au cours du mois de juin 2016. Nous demandions notamment que toute modification substantielle du contrat soit approuvée par l’AG et proposions de limiter le nombre de pouvoirs pour éviter qu’un président contrôle ces AG. Nous avons déjà été suivis par les députés sur le premier point. Si le Sénat a retiré cette disposition, nous comptons sur le fait qu’elle soit confirmée par l’Assemblée nationale dans le texte final. Une telle disposition permettrait de redonner du pouvoir aux assemblées générale qui sont le lieu où l’adhérent/épargnant peut s’exprimer et voter.
Passé cette longue bataille de lobbying, il faut ensuite que les millions d’épargnants concernés prennent conscience qu’ils ont souscrit un contrat associatif et que, dans leur intérêt, ils doivent s’informer et agir en conséquence.
Notre conseil : lire le dossier d’assemblée générale qui vous est adressé chaque année et voter sur les dispositions qui pourraient affecter votre épargne.
Quand les épargnants voteront massivement à ces AG, nul doute que les assureurs ne pourront plus aussi facilement revenir sur leurs engagements.
Envoyez-nous les documents d’AG de votre association d’épargnants
Vous êtes souscripteur d’un contrat associatif ? N’hésitez pas à vous manifester auprès de nous pour des questions et nous adresser les documents d’AG de votre association d’épargnants afin de nourrir les enquêtes que nous faisons sur ce sujet.
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