Une fois de plus, la taxe malbouffe s’invite dans l’actualité. Dans une étude sur le coût socio-économique de l'obésité et du surpoids publiée début septembre, la Direction générale du Trésor propose, notamment, de recourir à la fiscalité. Et de mettre en place une taxe proportionnelle au niveau des calories ou de la qualité nutritionnelle d’un aliment, voire en augmentant la TVA sur les produits les moins bons pour la santé.
Nous ne sommes pas favorables à cette proposition. Nous l’avions déjà exprimé lors de notre audition, en début d’année, par la mission d’information parlementaire sur la taxation des produits agroalimentaires.
Une taxe de plus, pour quels effets ?
En effet, nous craignons qu’une telle politique n’ait pas d’effets tangibles sur les comportements alimentaires. Face à l’évolution des prix, la plupart des consommateurs vont maintenir leur consommation car, outre le prix, elle dépend d’autres facteurs : habitudes alimentaires, goût, etc. En outre, la France a déjà instauré deux taxes nutritionnelles sur des produits bien définis : l’une sur les boissons sucrées et édulcorées et une autre sur les boissons énergisantes. Si elles ont permis à l’Etat d’engranger de nouvelles recettes (et encore, beaucoup moins que prévu pour les boissons énergisantes, le principal fabricant ayant revu à la baisse son taux de caféine pour échapper à la taxe), rien ne prouve qu’elles aient modifié le comportement d’achat des consommateurs.
Les personnes modestes premières impactées
Par ailleurs, nous redoutons aussi que cette mesure ne représente qu’un simple alourdissement fiscal. Ceux sont les ménages les plus modestes, qui consacrent une part plus grande de leurs revenus à l’alimentation et consomment, en moyenne, plus de produits gras, sucrés ou salés qui seront les plus impactés. Or, tous les consommateurs, sans distinction, doivent pouvoir s’acheter les aliments qu’ils souhaitent consommer.
De plus, pour que la fiscalité comportementale en matière d’alimentation ait un effet, il faudrait que le niveau de taxation soit suffisamment important pour que l’achat du produit s’avère dissuasif. Ce qui pénaliserait encore davantage les consommateurs modestes. Une taxe modérée sera certainement sans effets sur les comportements et représentera une ponction supplémentaire.
Dans son étude, le Trésor reconnaît ce risque de perte de pouvoir d'achat pour les plus modestes et propose d’adjoindre à cette taxation une éventuelle mesure de compensation. Nous nous questionnons sur les modalités concrètes d’un tel dispositif. L’histoire des fiscalités comportementales a montré que ce type de promesse n’est généralement pas tenu. Ainsi la contribution climat-énergie (taxe carbone) n’est finalement pas venue financer les économies d’énergies des ménages.
Priorité à la prévention
Conscients des enjeux de santé publique liés à la progression du surpoids et de l’obésité, ce dont attestent nos nombreuses actions de sensibilisation, nous pensons qu’il vaut mieux agir à la base :
- réglementer les pratiques. Il faut envisager, par exemple, de plafonner la teneur en sucre des produits dans lesquels elle est excessive ;
- informer les consommateurs grâce à un étiquetage nutritionnel simplifié ;
- encadrer la publicité destinée aux enfants ;
- renforcer les mesures de prévention et de sensibilisation (éducation à la nutrition, à la promotion de l’activité physique, etc.) destinées aux familles les plus défavorisées.
La proposition de la Direction générale du Trésor a été écartée dès le lendemain de sa publication par le secrétaire d’Etat au Budget et le ministre de l’Economie. Mais la taxe malbouffe refera sûrement parler d’elle un jour ou l’autre.