Qu’est-ce que l’antibiorésistance ?
Les bactéries sont des micro-organismes invisibles à l’œil nu. Elles sont présentes un peu partout : l'air, les sols, l'eau, la peau, les intestins des animaux ou des humains…
Certaines sont inoffensives voire utiles comme celles qui aident à la digestion ou celles qui sont utilisées pour fabriquer des aliments (yaourts, vinaigre, choucroute…). D’autres sont au contraire pathogènes et susceptibles de provoquer des maladies comme les rhumes, les infections urinaires ou les intoxications alimentaires.
Pour combattre les bactéries pathogènes, on a recours aux antibiotiques. Cette famille de médicaments, largement utilisés depuis la seconde guerre mondiale, a permis de faire considérablement reculer la mortalité associée aux maladies infectieuses au cours du XXème siècle.
Mais lorsque les antibiotiques sont consommés à tort ou trop régulièrement, des bactéries présentes dans l’organisme peuvent développer des stratégies pour leur résister. Elles acquièrent alors une insensibilité partielle ou totale à un ou plusieurs antibiotiques.
Le niveau atteint par la résistance aux antibiotiques inquiète l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les professionnels de santé et les agences de sécurité alimentaire, car la propagation des bactéries pathogènes résistantes pourrait signifier que certaines maladies affectant les humains n'auront à l'avenir plus de traitement efficace. Avec de sérieux problèmes de santé publique en perspective !
D’après le Ministère de la Santé, près de 13 000 patients meurent des suites d’une infection causée par un germe dit multi-résistant aux antibiotiques.
Quelles en sont les causes ?
D’après l’OMS, la moitié des antibiotiques produits dans le monde sont actuellement utilisés dans le secteur de l’élevage.
Dans l’Union européenne, l’usage des antibiotiques comme promoteur de croissance n’est plus autorisé depuis 2006, mais c’est loin d’être le cas dans d’autres pays d’où peuvent provenir nos aliments.
Et même en Europe, on utilise encore parfois de manière déraisonnable ces médicaments pour traiter les animaux dans les élevages. Par exemple en usage préventif, c’est-à-dire pour traiter des animaux sains exposés à un facteur de risque, mais sans que la présence effective de bactéries pathogènes soit avérée ou en utilisant un antibiotique sans vérifier son efficacité sur la bactérie à combattre. Ce sont ces mauvaises pratiques qui entraînent le développement de bactéries infectieuses résistantes aux antibiotiques.
Tous responsables !
Les mauvais usages des antibiotiques par les consommateurs, lorsqu’ils sont malades, contribuent eux aussi à l’antibiorésistance. C’est pourquoi l’Assurance Maladie a lancé en France en 2002 puis en 2010 des campagnes intitulées « Les antibiotiques, c’est pas automatique » et « Les antibiotiques, utilisés à tort ils deviendront moins forts ».
Des conseils destinés aux propriétaires d’animaux domestiques ont également été diffusés en 2015.
Cependant, les français restent parmi les plus gros consommateurs d’antibiotiques en Europe.
Quels sont les aliments concernés ?
Les bactéries lorsqu’elles sont devenues résistantes peuvent se propager dans l’environnement (la ferme, le sol, l’air…) et être à la source de la contamination d’autres animaux, y compris parfois des hommes. Le rôle de l’alimentation dans la contamination humaine aux bactéries résistantes ne peut pas être totalement exclu.
Ce sont donc toutes les viandes et les poissons d’élevage qui peuvent être porteurs de bactéries résistantes aux antibiotiques. Et plusieurs études ont mis en évidence leur présence sur des carcasses de poulet, mais aussi de porc, de dinde ou de veau.
Même les légumes peuvent être concernés puisque lorsque l’eau ou le fumier contient des bactéries résistantes, celles-ci peuvent contaminer à leur tour des productions végétales destinées à la consommation humaine.
D’après le rapport publié début 2016 par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), dans l’Union européenne, en ce qui concerne les bactéries responsables de banales infections alimentaires, la situation n’est guère brillante. Ainsi, 26 % des salmonelloses sont qualifiées de multirésistantes aux antibiotiques. Et 60,2 % des campylobactérioses, les intoxications alimentaires les plus courantes, sont résistantes à la ciprofloxacine.
Limiter l’antibiorésistance dans les élevages
L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (ANSES) a entrepris un lourd travail de recensement des utilisations des antibiotiques dans les élevages. Hormis pour certains usages spécifiques, le rapport de l’agence montre que le rapport bénéfice risque du traitement préventif est défavorable en matière de risque de résistance aux antibiotiques.
C’est pourquoi l’ANSES recommande d’abandonner, immédiatement ou à terme, l’utilisation des antibiotiques en préventif dans les élevages. Quant aux usages curatifs, l’agence préconise de privilégier l’utilisation des antibiotiques à spectre étroit, ciblant précisément la bactérie visée et de réserver leur recours à des situations particulières strictement encadrées. L’usage d’antibiotiques destinés aux humains est si possible également déconseillé.
C’est cette optique que la France s’est dotée d’un plan « Ecoantibio 2017 ». Initié en 2011 par le ministère de l’agriculture, son but n’est pas d'interdire les antibiotiques mais qu’ils soient administrer avec plus de sagesse. Il vise en particulier à réduire de 25 % l’usage des antibiotiques vétérinaires d’ici 2017.
Ses effets commencent à se ressentir. Ainsi, en 2013, le volume total des ventes d'antibiotiques était de 699 tonnes, le tonnage le plus faible enregistré depuis 1999 et en baisse de 10,6 % par rapport à 2012. Mais les efforts des filières sont divers. Par exemple, entre 2012 et 2013, si l’exposition aux antibiotiques a baissé de 6,6 % chez les bovins ou de 5,4 % pour les volailles, elle a par contre augmenté de 3,6 % dans les élevages de lapins (source ANSES).
Un plan équivalent existe au niveau européen. En effet, de l’aveu même du commissaire européen chargé de la Santé et de la Politique des consommateurs en 2012, « des « pratiques illicites » se poursuivent en Europe, où des éleveurs donnent des antibiotiques à leurs animaux sans ordonnance et sans présence d’un vétérinaire ». Le plan quinquennal d’action contre la résistance microbienne mis en place dans l’Union européenne cible particulièrement l’usage d’antibiotiques très importants pour l’homme, comme les céphalosporines de troisième et quatrième générations.
Conseils aux consommateurs
En privilégiant la consommation de viandes fraîches issues d’élevages français ou européens, le consommateur évite de consommer des animaux ayant reçu dans l’alimentation de faibles doses d’antibiotiques afin d’accélérer leur croissance.
Quant au risque de transmission de l’antibiorésistance à l’homme via l’alimentation, il est le plus faible pour les denrées alimentaires ayant subi un traitement détruisant toutes les bactéries, comme la cuisson à cœur.
Voir : Origine des viandes
Le respect des principes d’hygiène classique est la principale manière de limiter les contaminations. En effet, les bactéries résistantes qu’on pourrait trouver à la surface des viandes disparaissent à la cuisson. D’où l’importance de bien cuire à cœur (plus de 70°C) les aliments les plus sensibles comme les volailles.
De plus, pour éviter les contaminations croisées lors de la préparation des aliments, il est indispensable de bien se laver les mains avant et après manipulation de la nourriture. Il est tout aussi important de nettoyer convenablement après usage les planches à découper et les couteaux servant à la découpe de volailles. De même, il convient de ne pas réutiliser immédiatement ces planches et ces couteaux pour la préparation d’autres types d’aliments.
Plus d’infos : Rubrique Les bons réflexes propreté
Pendant longtemps, pour acheter une viande issue d’animaux élevés sans antibiotiques, il n’y avait guère d’autre solution que de se tourner vers le Bio. Désormais, dans le cadre du plan « Ecoantibio 2017 », plusieurs initiatives voient le jour et on voit apparaître çà et là de la viande de volaille et de porc issus d’élevage utilisant des méthodes alternatives de traitement (phytothérapie, huiles essentielles, probiotiques, modification de l’alimentation...).
Malheureusement, leur utilisation ne coûte pas moins cher que les antibiotiques. Ces produits ont donc un prix légèrement plus élevé que leurs équivalents commercialisés sous Label Rouge. Cependant, ils pourraient bien trouver leur place dans les rayons de nos grandes surfaces.
Vers une mention « Elevé sans traitement antibiotique »
Les filières sans antibiotique rassurent les consommateurs, souvent méfiants vis-à-vis des produits carnés. C’est pourquoi plusieurs professionnels (Groupe Carrefour, Fleury Michon ou Cooperl, un groupe coopératif spécialisé dans la production porcine) ont lancé des produits sur lesquels figure une mention précisant que les animaux ont été élevés sans antibiotiques dès la fin du sevrage. Cela ne concerne que peu de produits alimentaires : du poulet fermier, du porc, du saumon de Norvège, des saucisses, du jambon, des œufs... Afin d’éviter que ne fleurissent trop de mentions disparates, la DGCCRF, en lien avec les ministères de l’Agriculture et de la Santé, travaille à un projet de décret visant à encadrer une mention « Elevé sans traitement antibiotique ». Il devrait entre autres fixer, par espèce ou par catégorie, des conditions et des durées minimales d’absence de traitement antibiotique permettant l’emploi de cette mention.La CLCV en action
En 2015, à l’occasion de la première semaine mondiale pour un bon usage des antibiotiques lancée par l’OMS, la CLCV a demandé aux principales chaines de restauration rapide d’arrêter de se fournir auprès d’élevages utilisant des antibiotiques destinés aux humains.
En 2016, la Journée Mondiale du Consommateur a pour thème l’antibiorésistance. A cette occasion, la CLCV demande aux différentes filières d’élevage de lui indiquer où elles en sont dans leur processus de réduction des antibiotiques. De plus, l’association interpelle les principaux acteurs de la restauration commerciale et collective pour leur demander de s’engager à arrêter de servir de la viande issue d’animaux recevant des antibiotiques utilisés dans la médecine humaine.
Par ailleurs, les structures locales de la CLCV profitent des animations sur le gaspillage alimentaire, l’hygiène ou des ateliers cuisine afin de sensibiliser les consommateurs à l’aide des documents suivants.