Positionnement
Les consommateurs, usagers, citoyens sont très souvent considérés comme des individus à sensibiliser et éduquer. Ils doivent acquérir les bons gestes, modifier leur comportement. Et s'ils ne veulent pas s'exécuter, l'arme du « signal prix » les amènera à changer. Certes, la responsabilité individuelle et collective est réelle, et nous-mêmes agissons depuis des années sur le terrain pour informer, conseiller, faire prendre conscience des enjeux.
Mais cela doit s'appliquer à tous. Tout au long des années 70 et 80 nous avons contesté les dérives d'une consommation irraisonnée et le conditionnement massif qui a consisté à faire accepter la société du tout à jeter comme modèle de modernité. Ce ne sont pas les consommateurs qui au départ en ont fait la demande.
Les consommateurs achètent ce qu'on leur vend et ce que la publicité et le marketing leur vendent. Nous sommes arrivés à un tel déséquilibre entre la puissance du marketing et la faiblesse de l'information, qu'une majorité de ménages n'a pas le recul nécessaire à un choix éclairé.
Pour nous la première des batailles est celle de la réduction à la source, ce qui pose la question de la responsabilité des producteurs et des distributeurs. L'éco-conception dans la fabrication des produits et services doit être la règle et l'analyse des cycles de vie la base du choix pour éviter les impasses et les contre-exemples. L'activité de collecte et de traitement, même pourvoyeuse d'emplois ne peut être considérée comme une filière économique à développer. Elle doit être pensée, formatée pour traiter au mieux les déchets que l'on ne peut éviter après avoir mis tout en uvre en amont de la mise sur le marché pour réduire au maximum la quantité, la complexité et la toxicité des déchets.
Aujourd'hui par exemple on explique dans certains départements qu'il faut limiter le tri et la valorisation matière car la charge devient inadaptée au bon fonctionnement de l'incinérateur !
Par ailleurs, la durée de vie, la réparabilité doivent être améliorées et les produits doivent être conçus, selon leur nature bien entendu, de telle sorte qu'ils puissent durer longtemps tout en pouvant intégrer les évolutions technologiques, sans que l'on soit obligé de les changer à la fréquence que l'on connait aujourd'hui.
Enfin, la dématérialisation par transfert progressif, quand cela est possible, non contraignant, avec le même plaisir d'usage, par un retour à la location partagée par exemple, en remplacement de l'achat individualisé devrait être mieux pensée et développée.
Recouvrement des coûts
Pendant longtemps on a dit aux consommateurs qu'ils devaient changer de comportements, et accepter de payer plus cher pour des produits vertueux générant moins d'impacts négatifs sur la santé et l'environnement. Nous contestons cette approche pour plusieurs raisons :
L'éco-conception et la fabrication n'induisent pas seulement ni automatiquement des surcoûts qu'il faut répercuter dans le prix. Il y a suffisamment d'exemples qui montrent à quel point une démarche qualité poussée peut aussi générer des gains de productivité substantiels ;
La non qualité a aussi un coût social, économique et environnemental, souvent externalisé. En termes de déchets, prenons l'exemple des quantités de petits appareils ménagers ou de bricolage, à bas prix certes, et qui viennent de loin. Ils sont souvent de tellement mauvaise qualité qu'ils ne servent qu'une fois (et encore !), avant d'être jetés. Au final cela coûte combien ?
Les produits et services vertueux, générant le moins de déchets et d'impacts négatifs en général, doivent être favorisés au détriment des autres. La conditionnalité des aides publiques (y compris pour l'accueil d'activités économiques sur les territoires) et la fiscalité écologique, à fiscalité globale constante, qui commencent à entrer dans les faits, doivent être plus systématiquement utilisées afin que les produits vertueux soient les moins chers.
En ce qui concerne le financement des activités de collecte et de traitement, nous avons contesté l'instauration d'une part fixe, comme nous l'avons fait pour l'eau, l'énergie, la téléphonie, etc. Mal appliquée elle peut être excessive dans son montant et en tout cas s'additionne et vient alourdir les charges incompressibles du budget des ménages, provoquant de nouvelles inégalités et un recours accru aux aides et à l'assistanat, et peut être selon son montant un signal autorisant par exemple l'accroissement des consommations d'eau ou la production de déchets. La présentation qui en est faite en ce qui concerne les déchets (elle aurait la vertu de maintenir la solidarité), est discutable. En tout cas un débat approfondi est nécessaire.
La part variable, comme la redevance pour service rendu apparaissent comme plus équitables en matière de recouvrement et plus valorisantes pour ceux qui sont les plus éco-citoyens. Cependant leur mise en uvre, notamment en habitat collectif, nécessite prudence, étude d'impact préalable et concertation approfondie si l'on ne veut pas créer plus de problèmes qu'en résoudre. De même les pondérations tenant compte de la composition des ménages doivent être étudiées.
Mise en place de la collecte
On le sait, la qualité du tri et l'efficacité de la collecte dépendent beaucoup de la qualité de la concertation la plus large, très en amont, lors de la mise en place, et nécessitent une évaluation régulière. La contribution des éco-organismes au financement de l'activité versée aux collectivités, mais aussi l'information, la communication, la concertation, l'8 pédagogique des associations méritent d'être discutées. De même, parmi les questions basiques qui nous sont posées reviennent régulièrement la multiplication des filières, des méthodes, des messages, des matériels, etc. Tout cela ne contribue pas forcément à une grande lisibilité.
Le rôle des Eco-organismes
Le développement de nombreux éco-organismes et l’analyse après de nombreuses années de fonctionnement nous incitent à avancer certaines demandes :
- l’exigence de créer un observatoire des coûts et des financements sur les activités des éco-organismes
-réaliser un audit global et par filières des actions menées par les différents éco-organismes depuis leur création avec un comparatif avec les autres dispositifs européens existants.
- revoir les dispositifs d’incitation afin de prévenir le développement d’un « business des déchets » porté par leur valorisation.
- prévoir des services pouvant s’adapter au volume des collectes et prévenir ainsi toute logique productiviste dans le secteur. Avoir une réflexion sur les coûts fixes pour les mêmes raisons et s’interroger sur des logiques de filières avec des services communs ou mutualisés ;
- réaliser un audit structurel sur l’évolution du modèle économique (valorisation croissante des déchets, mutualisation pour coûts fixes…).
-en matière de gouvernance, l’extension des REP (Responsabilité élargie des producteurs), leur lisibilité, leur transparence mais également leurs objectifs environnementaux, économiques et sociaux nécessitent une plus forte implication de la société civile et notamment des associations de consommateurs et de défense de l’environnement.
Par ailleurs, les plans de prévention des déchets se développent visant à produire moins de déchets. Ces derniers sont financièrement encouragés par les éco-organismes. Cependant le modèle économique actuel est impacté par une valorisation accrue sur les marchés du prix des déchets qui peut être contreproductive en termes de prévention.
Les eco-organismes poursuivent des objectifs environnementaux (éco-conception), économiques (recyclage), sociaux (emplois, insertion). Il faut veiller à ce que ces objectifs ne puissent pas à un certain moment devenir contradictoire voir faire perdre de vue l’objectif premier.
Nous défendons l’idée que la priorité doit être donnée à la réduction à la source, et que les déchets produits doivent être recyclés et valorisés comme substituts aux matières premières qui seront de plus difficiles à acquérir.