Depuis le début de l’année 2012, le marché européen des œufs est en situation de pénurie. En cause : le manque d’anticipation des éleveurs qui ont tardé à se mettre en conformité avec les nouvelles exigences européennes en matière de bien-être animal. Du coup, les œufs mais aussi de nombreux produits qui en contiennent (biscuits, pâtes aux œufs) voient leurs prix augmenter.
Dans les rayons
Dans les rayons des supermarchés le prix des œufs a connu, d’après l’Insee, une augmentation de 1,3% au cours des 4 premiers mois de l’année, ce qui pourrait conduire, si la tendance perdure, à une hausse de 4 % sur l’année. Déjà sensible, elle n’est pas encore spectaculaire mais pourrait le devenir en 2013, lorsque de nouveaux contrats seront passés entre éleveurs et distributeurs.
Les œufs sont une source de protéines peu chère, et toute augmentation de ce produit de base est problématique pour les ménages modestes.
L’industrie alimentaire
Pour l’heure, c’est surtout du côté des œufs utilisés par l’industrie alimentaire que les hausses sont les plus fortes. Ainsi, la Commission européenne enregistrait début mars une hausse de 55 % par rapport à l’an passé et notait que les œufs destinés à la transformation industrielle étaient même devenus plus chers que les œufs de consommation ! Cette flambée, conjuguée au niveau toujours très élevé des autres matières premières agricoles, devrait aboutir à une augmentation de produits alimentaires tels que les pâtes et les biscuits.
Investissements retardés
Le manque d’œufs et les tensions sur les prix qui en découlent ne tiennent pas à un quelconque caprice des poules pondeuses, mais à un retard dans la mise aux normes de leurs élevages. Une directive européenne adoptée en 1997 - c’est-à-dire il y a 12 ans ! - imposait aux éleveurs de poules pondeuses d’améliorer leurs élevages d’ici au 1er janvier 2012. Pour le bien-être des gallinacés, les cages doivent être aménagées afin que les poules aient plus d’espace et disposent de perchoirs. Mais un nombre important d’éleveurs ont tardé à réaliser les investissements nécessaires, attendant la dernière minute pour se mettre en conformité. Ces mises aux normes imposant l’arrêt de la production, les œufs viennent à manquer !
D’après la Commission européenne, lors d’une mise aux normes des élevages allemands en 2010, il n’avait fallu que quelques mois pour que la production retrouve son niveau antérieur. De quoi espérer que le prix des œufs reparte à la baisse avant que les poules n’aient des dents !
Après les poules, les cochons ?
Le 1er janvier 2013, les truies gestantes, c'est-à-dire qui attendent des petits, ne pourront plus être confinées dans des box individuels où elles ne peuvent guère bouger et accèderont enfin, elles-aussi, à plus de « confort » et d’espace. Dans les bâtiments d’élevage aux normes, les truies devront être maintenues en groupe pendant environ deux mois et demi durant la période de gestation. D’après les scientifiques, cela devrait entraîner une nette augmentation du taux de survie des porcelets nouveau-nés et de la productivité des truies.
Cette évolution vers des élevages plus respectueux du « bien-être » des animaux correspond à une attente de nombreux consommateurs et se traduit par l’engagement de grands groupes agroalimentaires à tenir compte de ce critère pour leurs approvisionnements.
Pourtant, comme dans le cas des poules pondeuses, bien que la date butoir pour se mettre en conformité soit connue depuis 12 ans, du côté des producteurs de porcs on est loin d’être prêt !
En France, d’après la filière, « un tiers des éleveurs ont déjà fait leur mise aux normes ; pour un autre tiers d’éleveurs, les démarches administratives voire les travaux, sont en cours. » Et en Europe, la situation n’est guère plus brillante. Seuls 3 pays (la Suède, le Royaume-Uni et le Luxembourg) appliquent déjà les nouvelles normes et 13 autres pourraient rentrer dans les clous d'ici à la fin de l'année.
En clair, si un sérieux coup d’accélérateur n’est pas donné, on risque bien d’assister l’an prochain à une baisse des naissances de porcelets. Avec des répercutions sur les cours du porc ou sur le prix de vente au consommateur.