C’est bien connu, l’enfer, c’est les autres et un petit bruit du voisin est toujours plus incommodant que celui dont nous sommes à l’origine. Malheureusement (ou non ?), la vie en collectivité oblige à respecter certaines règles de civisme, de savoir vivre et on ne saurait habiter son logement en faisant fi des éventuels troubles que nous pourrions causer.
Pourtant, la vie en copropriété est parfois loin d’être une sinécure et d’aucuns oublient parfois qu’ils n’occupent pas un pavillon, mais bien un appartement, avec des gens au-dessus et/ou en-dessous du leur.
Alors, que peut-on vraiment faire chez soi, et comment s’y prendre lorsque son voisin a décidé de concurrencer la salle de cinéma du quartier en équipant son logement d’une magnifique installation sonore avec un caisson de basse à vous en faire vibrer vos verres en cristal ? Quelques pistes, et éléments de réponse.
Le chien de mon voisin n’arrête pas d’aboyer
Nos amis des bêtes sont nombreux et, qu'ils tiennent de Noé ou d'Androclès, cela ne pose pas forcément de problème. Quoique.
De manière générale, on ne saurait remettre en cause le droit pour tout occupant de détenir un animal familier. D'ailleurs, l'article 10 de la loi du 9 juillet 1970 répute non écrite toute clause (que ce soit dans le règlement de copropriété ou dans un contrat de location, par exemple) tendant à interdire la détention d'un animal dans un local d'habitation. Toutefois, cette disposition ne concerne que les animaux familiers, lesquels ne sont pas définis par le texte. De manière générale, on peut penser qu'il s'agit d'animaux de compagnie (chien, chat…) qu'il est d'usage d'avoir chez soi et dont la détention n'est pas prohibée. En effet, la France a ratifié plusieurs conventions internationales ayant pour objet d'interdire le commerce et, en conséquence, la possession d'animaux appartenant à des espèces protégées (lémuriens, grands félins…). Il est cependant possible d'interdire la détention d’animaux dangereux de par leur comportement, notamment les chiens d’attaque visés par le Code rural tels que les pit-bulls.
En fait, la situation peut se compliquer dans deux hypothèses : lorsque les animaux détenus sont source de nuisances et lorsque la bestiole en question apparaît quelque peu exotique.
Ainsi, la liberté d'avoir un animal de compagnie trouve ses limites dans le comportement de celui-ci. C'est notamment le cas lorsque l'animal en question est à l'origine de bruits, d'odeurs… Le propriétaire pourra alors voir sa responsabilité engagée. Si on ne lui demandera pas de se débarrasser de l'animal en question (sauf s'il s'agit d'une espèce protégée), il devra prendre toutes les précautions nécessaires pour faire cesser les troubles existants, ce qui, en pratique, peut se traduire par l'obligation de se séparer de certains de ces compagnons (exemple d'un copropriétaire ayant chez lui un très grand nombre de chats causant des problèmes d'odeurs et, plus généralement, d'hygiène).
L'autre problème concerne l’engouement français pour les NAC (nouveaux animaux de compagnie) : araignées, serpent… A cet égard, il est intéressant de noter qu'un bail a été résilié en raison de la détention, par le locataire, d'un serpent (CA Colmar, 25 octobre 1993). Certes, on ne saurait imposer à un copropriétaire un déménagement, mais il n'est pas exclu que sa responsabilité soit engagée si la possession de NAC cause un préjudice (araignée exotique qui s'échappe de l'appartement…).
En conclusion, la liberté de détenir un animal est très large, mais est limitée à la nature même de votre compagnon à quatre pattes et aux troubles de jouissance dont il peut être l'origine.
Un commerce est source de nuisances
Il faut d’abord vérifier si l’activité commerciale (ou professionnelle) est licite ou non. C'est le règlement de copropriété qui va ici nous servir de fil d'Ariane.
Tout d'abord, le règlement peut affecter spécifiquement certains lots à un usage commercial. Il s'agit notamment des locaux situés en rez-de-chaussée. Dans ce cas, le règlement peut se contenter de dispositions générales selon lesquelles l'activité, quelle qu'elle soit, ne doit causer aucun trouble de jouissance aux autres copropriétaires et occupants de la résidence ou, au contraire, en interdire d'office certaines (restaurant…). En revanche, il ne peut imposer une activité commerciale précise. Par conséquent, il conviendra de se référer au règlement de copropriété pour voir quels types de commerce il est possible d'ouvrir.
Pour l'exercice d'une activité professionnelle (ouverture d'un cabinet médical, d'avocat…), cela est différent. En effet, il ne s'agit pas d'utiliser un local spécialement affecté à cet usage, mais de le faire dans un local d'habitation qui ne se distingue pas, par sa destination, des autres appartements de la copropriété. Si le règlement est muet sur le sujet, cela ne pose pas de problème, mais cela est rarement le cas. Dans la pratique, il contient une clause d'habitation bourgeoise. Si cette dernière est stipulée simple ("les appartements seront habités bourgeoisement" par exemple), une activité professionnelle peut être exercée. En revanche, s'il s'agit d'une clause d'habitation exclusivement bourgeoise, aucune activité professionnelle ne peut avoir lieu au sein de la copropriété.
Par conséquent, si l’activité en question n’est pas autorisée, il faut demander immédiatement au syndic de faire cesser cette situation, avec mise en demeure le cas échéant.
Mais indépendamment de cela, il ne faut pas perdre de vue que, même autorisée par le règlement de copropriété, une activité, qu'elle soit commerciale ou professionnelle, peut être interdite par le juge. C'est le cas lorsque son exercice cause un préjudice aux autres copropriétaires (odeurs, bruits…). Deux possibilités : soit il est possible de mettre fin aux nuisances d’une façon ou d’une autre (travaux d’insonorisation…), soit cela n’est pas possible et, dans ce cas, l’activité devra cesser.
Le cas des sex-shops
Phénomène plutôt parisien, ce type de commerce à fait couler beaucoup d’encre. En effet, certains règlements de copropriété n'indiquent pas avec précision la nature des commerces qui peuvent être exercés. Il s'ensuit alors des litiges, certains copropriétaires estimant qu'une telle activité est incompatible avec la destination de l'immeuble. Sur ce point, la jurisprudence suit assez souvent les requérants sans avoir à exiger que l'immeuble en question soit de grand standing. Certes, cet élément est pris en compte mais, souvent, les juges considèrent que ce type de commerce cause, de par sa nature, un trouble aux copropriétaires. La Cour d'appel de Paris avait même estimé, dans un arrêt en date du 17 septembre 1993, que l'activité de sex-shop constitue un commerce qui est fréquenté par une clientèle qui ne peut être classée comme étant constituée de bons pères de famille et qui est donc susceptible d’avoir des comportements de nature à troubler la tranquillité et la sécurité des occupants de l’immeuble.
Comme quoi, le trouble de voisinage peut résulter d’une mauvaise image conférée à l’immeuble…
Mon voisin (ou ma voisine) est en tenue (très) légère…
Ce cas peut prêter à sourire, mais vu que les tribunaux se sont déjà prononcés à plusieurs reprises sur le sujet, il peut ne pas être inutile de rappeler certaines choses.
Ainsi, l'article 222-32 du Code pénal punit-il d'un an d'emprisonnement et de 15 000€ d'amende l'exhibition sexuelle imposée à la vue d'autrui dans un lieu accessible aux regards du public. Il faut noter que ce qui importe, c'est que l'exhibition puisse être vue en raison d'un manque de précaution des personnes intéressées. Peu importe donc que les faits soient réalisés dans un lieu privé au public dès lors qu'ils sont accessibles du regard par un tiers.
De ce fait, on évitera toute manifestation devant les fenêtres et, a fortiori, sur la terrasse ou dans le jardin. A propos de jardin d'ailleurs, si vous avez la chance d'en avoir un, prenez garde aux bains de soleil intégral, la jurisprudence ne semble pas tout à fait claire sur le sujet.
Des troubles divers et variés
Mélomane faisant partager sa passion de façon trop bruyante, adepte de barbecues sauvages en terrasse ou en jardin (quitte à faire profiter tout le voisinage du menu), cinéphile qui ne jure que par sa dernière installation home cinéma de sorte que vous avez l'impression que Darth Vador et toute sa cohorte s'apprêtent à envahir votre salon… les troubles de voisinage ne manquent pas en copropriété, surtout si vous habitez dans un vieil immeuble à l'insonorisation incertaine. Nous passerons d'ailleurs sous silence le couple qui essaie de battre, bruyamment, un record d'endurance ou le résidant qui se livre à la prostitution. Ce dernier point va d'ailleurs au-delà du simple trouble de voisinage puisqu'il peut directement choquer certaines personnes. Les troubles de voisinage constituent donc bien souvent ces petites choses qui empoisonnent la vie en copropriété.
La liberté de tout un chacun de pratiquer l'activité qu'il désire au sein de son logement s'arrête bien évidemment aux troubles qu'il est susceptible de causer aux autres occupants de l'immeuble. Ainsi, la pratique excessive d'un instrument de musique peut-elle constituer, par exemple, un trouble de voisinage.
De manière générale, il faut savoir qu'aucun bruit ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme, dans un lieu public ou privé, qu'une personne en soit elle-même à l'origine ou que ce soit par l'intermédiaire d'une personne, d'une chose dont elle a la garde ou d'un animal placé sous sa responsabilité (article R.1334-31 du Code de la santé publique). Le fait, pour une personne, d'être à l'origine d'un tel trouble est puni d'une amende de 450€. Les bruits ou tapages injurieux ou nocturnes troublant la tranquillité d'autrui sont punis d'une amende de 450€ également (article R.623-2 du Code pénal).
Mon voisin a posé du carrelage chez lui
On n’y pense pas souvent mais la pose de carrelage peut être interdite. Le règlement de copropriété peut effectivement contenir une clause sur ce sujet pour des questions d’acoustique bien sûr, mais également pour éviter toute surcharge du bâtit.
Pour que le trouble de jouissance soit avéré, il faut, non seulement qu’il y ait eu pose de carrelage ou, plus généralement, modification de la nature du revêtement de sol du voisin (remplacement d’une moquette par du parquet par exemple) mais également une diminution de la qualité de l’insonorisation acoustique. Autrement dit, on constate une aggravation de la situation. Dans ce cas, qu’il y ait ou non une clause du règlement de copropriété sur le sujet, en cas de troubles avérés, le copropriétaire peut être condamné à retirer le carrelage.
Comment réagir ? Quels sont les recours possibles ? Lisez notre article ici
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