Matera, société d’aide aux syndics bénévoles, s’était fait connaître en 2020 par le biais d’une campagne publicitaire dénommée « Merci syndic ». Se voulant humoristique, celle-ci parodiait les griefs des copropriétaires à l’encontre de leur gestionnaire : « Merci syndic pour votre musique d’attente, maintenant je connais Vivaldi par cœur » ou encore « Merci syndic pour les fuites d’eau, c’est tous les jours piscine ». En parallèle, un site Internet avait été créé pour parodier la difficulté que rencontrent les copropriétaires pour changer de syndic. Et cette campagne de se conclure par « Vive le syndic libre ».
Un humour que les syndics n’ont que modérément apprécié vu qu’ils ont intenté une action à l’encontre de la société Matera pour dénigrement. Et le juge de leur donner raison, estimant que les termes employés revêtent incontestablement un caractère fortement péjoratif et dévalorisant, jetant le discrédit sur la profession.
Par ailleurs, au-delà de l’esprit de cette campagne, que l’on appréciera ou non, il en découle une véritable problématique pour les copropriétaires : la société Matera est-elle un syndic ?
Dans les faits, il s’agit d’une start-up qui propose des services aux copropriétaires qui ont constitué un syndicat coopératif. Dans cette forme de gestion, qui doit être validée par l’assemblée générale, c’est le président du conseil syndical qui assure les fonctions de syndic. Or, au regard de la terminologie employée dans sa communication, on pouvait légitimement penser que Matera exerçait les fonctions de syndic, comme n’importe quel autre professionnel, si ce n’est que la gestion y est dématérialisée. Un syndic en ligne en quelque sorte. On peut donc imaginer la déconvenue des copropriétaires lorsqu’ils se sont rendus compte qu’ils allaient devoir eux-mêmes gérer leur copropriété, quand bien même seraient-ils aidés par les outils informatiques mis à leur disposition par Matéra. Les juges ont considéré que les termes utilisés, tels « Votez Matera à la prochaine assemblée générale » ou « remerciez votre syndic et passez chez Matera » étaient suffisamment ambigus pour tenter d’installer l’idée qu’il y avait une identité de nature et de fonctions entre la société Matera et un syndic professionnel, ce qui n’est pas le cas. Le Tribunal a donc retenu qu’il y avait une pratique commerciale déloyale et trompeuse susceptible d’induire en erreur un consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.
Le débat ne porte pas, en réalité, sur la légitimité d’une telle entreprise d’offrir des services d’assistance aux copropriétaires qui gèrent bénévolement leur immeuble. Personne ne remet en cause ce point et les juges considèrent d’ailleurs que cette fonction d’assistance ne constitue pas un exercice illégal de la profession de syndic. Or, il importe que les copropriétaires soient correctement informés de la nature de leur prestataire. Jouer sur la terminologie opposant un syndic et un syndic coopératif a clairement porté préjudice à Matera, indépendamment de la campagne de dénigrement, la société induisant en erreur les copropriétaires qui pensaient que cette dernière exercerait les fonctions de syndic.
Jugement du tribunal de commerce de Paris, 24 janvier 2022.
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